Débats du Sénat (Hansard)
1re Session, 45e Législature
Volume 154, Numéro 33
Le jeudi 6 novembre 2025
L’honorable René Cormier, Président intérimaire
- DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
- AFFAIRES COURANTES
- La justice
- Audit et surveillance
- Le Sénat
- La Loi sur la citoyenneté
- Pêches et océans
- Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier l’indépendance des pêches côtières commerciales dans le Canada atlantique et au Québec et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus durant la première session de la quarante-quatrième législature
- Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier le régime d’octroi de permis de pêche commerciale sur la côte du Pacifique
- PÉRIODE DES QUESTIONS
- ORDRE DU JOUR
- Les travaux du Sénat
- Le Sénat
- La Loi sur la citoyenneté
- Affaires juridiques et constitutionnelles
- L’ajournement
- Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
- La Loi sur l’Agence du revenu du Canada
- Projet de loi sur le vote à seize ans
- Examen de la réglementation
- Pêches et océans
- Les travaux du Sénat
LE SÉNAT
Le jeudi 6 novembre 2025
La séance est ouverte à 13 h 30, le Président intérimaire étant au fauteuil.
Prière.
[Traduction]
DÉCLARATIONS DE SÉNATEURS
La Semaine des anciens combattants
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, alors que nous célébrons la Semaine des anciens combattants à l’approche du jour du Souvenir, je tiens à rendre hommage aux courageux militaires qui ont porté l’uniforme des Forces armées canadiennes pour défendre les libertés et les valeurs qui définissent notre pays.
Cette semaine, nous prenons le temps de réfléchir non seulement aux grandes batailles de l’histoire, mais aussi au courage, à la discipline et au dévouement discret dont font preuve les anciens combattants longtemps après que les armes se sont tues.
Des tranchées boueuses de la Première Guerre mondiale aux déserts, océans et cieux des missions modernes, leur service a préservé la démocratie et la dignité humaine partout dans le monde.
Nous rendons également hommage aux familles des vétérans, qui assument leur part des sacrifices, ainsi qu’aux collectivités qui accueillent les anciens combattants avec respect et gratitude.
L’histoire des vétérans canadiens est tissée dans toutes les régions du pays, d’un océan à l’autre, et dans toutes les collectivités qui ont répondu à l’appel du devoir. Parmi eux se trouvent de nombreux Autochtones dont le courage et les compétences ont renforcé l’armée canadienne depuis ses débuts.
Dans quelques jours, nous célébrerons la Journée nationale des vétérans autochtones, un moment propice pour réfléchir à cet héritage fier de service et de sacrifice pour le Canada.
Honorables sénateurs, par-dessus tout, la Semaine des anciens combattants nous rappelle que le souvenir ne se limite pas et ne devrait jamais se limiter à une seule journée. Il s’agit d’un engagement à défendre les valeurs pour lesquelles nos anciens combattants ont servi et à faire en sorte que leur héritage perdure dans notre vie nationale et dans notre mode de vie.
N’oublions jamais.
Des voix : Bravo!
Le jour du Souvenir
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, chaque année, à la onzième heure du onzième jour du onzième mois, les Canadiens d’un océan à l’autre observent une minute de silence. Nous nous rassemblons dans les villes, les petits villages, les écoles et les légions. Nous déposons des couronnes, nous inclinons la tête et nous rendons hommage aux hommes et aux femmes qui ont servi et se sont sacrifiés pour la liberté, la paix et la démocratie.
Le jour du Souvenir n’est pas seulement l’occasion d’honorer les morts, mais aussi de réfléchir aux générations qui ont répondu à l’appel du devoir, laissant souvent derrière elles leur famille, leur exploitation agricole et leur avenir pour défendre des idéaux plus grands qu’eux-mêmes. Leur courage et leur sacrifice font partie intégrante de notre identité nationale.
Parmi ceux dont nous nous souvenons avec une fierté particulière, il y a les soldats du Royal Regina Rifles de la Saskatchewan, ces hommes affectueusement surnommés les « Farmer Johns ».
Ils venaient de tous les horizons : agriculteurs, étudiants, trappeurs du Nord. Ils étaient des jeunes hommes ordinaires devenus des guerriers extraordinaires. Certains venaient à peine de terminer leurs études secondaires. Les autres les considéraient comme « juste une bande de Farmer Johns », mais les hommes du Regina Rifles portaient ce surnom comme un badge d’honneur.
Le 6 juin 1944, ils ont prouvé leur courage sans l’ombre d’un doute. Débarqués dans le secteur Nan Green de plage Juno, l’une des portions les plus fortifiées de la côte normande, ils ont essuyé des tirs incessants. Pourtant, aux côtés des chars du 1st Hussars, ils se sont frayé un chemin hors de la plage, à travers les champs de mines et les nids de mitrailleuses, et ont nettoyé la ville de Courseulles-sur-Mer pâté de maisons par pâté de maisons.
À la tombée de la nuit, les soldats du Royal Regina Rifles avaient atteint leur objectif du jour J, s’emparant de Courseulles-sur-Mer et avançant vers l’intérieur des terres pour sécuriser les ponts de Reviers, au terme d’une journée de combats acharnés et meurtriers où le courage était au rendez-vous.
Le lieutenant Bill Grayson est devenu l’une des légendes du régiment. Sous le feu de l’ennemi, il a attrapé une grenade, l’a renvoyée et a capturé 35 soldats ennemis. Son courage lui a valu la Croix militaire, mais d’innombrables autres ont fait preuve de la même bravoure.
Sur les 4 000 hommes qui ont servi dans le Regina Rifles, seuls quelques-uns sont encore parmi nous. Cependant, leur héritage se perpétue dans le régiment qui porte toujours leur nom, dans les collectivités qui leur rendent hommage et dans notre pays qui est demeuré libre grâce à leur sacrifice.
Lors du jour du Souvenir, quand nous observerons une minute de silence partout au pays, souvenons-nous des « Farmer Johns » du Royal Regina Rifles, ces hommes ordinaires des Prairies qui ont accompli des choses extraordinaires au service de la paix et de l’humanité.
N’oublions jamais. Up the Johns!
Des voix : Bravo!
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Zach Goobie, le fils de l’honorable sénatrice Arnold.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
La Journée des vétérans autochtones
L’honorable John M. McNair : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui pour souligner la Journée des vétérans autochtones, qui a lieu le 8 novembre, et pour rendre hommage à une unité militaire d’élite composée de locuteurs cris qui ont combattu durant la Seconde Guerre mondiale et qui étaient connus sous le nom de « transmetteurs de messages codés ».
Cette unité était chargée de mettre au point un système codé fondé sur la langue crie afin de communiquer discrètement des renseignements militaires. Les transmetteurs de messages codés traduisaient des messages qui contenaient des informations cruciales sur les plans des Alliés, notamment les ordres de mouvement de troupes et l’identification des lignes de ravitaillement ou des avions qui devaient effectuer des bombardements depuis l’Angleterre.
Les messages étaient traduits en cri et ensuite envoyés sur les champs de bataille en Europe, où un autre transmetteur de messages codés les retraduisait en anglais et les transmettait aux commandants militaires. Quelques exemples de mots déguisés incluent iskotew, qui signifie « feu » et qui était le mot-code pour l’avion Spitfire, et pakwatastim, qui signifie « cheval sauvage » et qui désignait l’avion Mustang.
Le code était si élaboré que les soldats ennemis n’ont jamais réussi à le déchiffrer.
À ma connaissance, le gouvernement fédéral n’a jamais officiellement reconnu les services rendus au Canada par les transmetteurs cris de messages codés. En effet, beaucoup d’entre eux restent inconnus. Les transmetteurs de messages codés étaient tenus au secret pendant la guerre, ce qui explique en partie la situation. Ce n’est qu’en 2003 qu’un transmetteur de messages codés du nom de Charles Tomkins a accordé une entrevue au Smithsonian pour une exposition sur les célèbres transmetteurs navajos de messages codés.
Nous connaissons le nom d’autres transmetteurs cris de messages codés qui faisaient partie de l’entourage immédiat de Charles Tomkins, notamment son frère, Peter Tomkins, son demi-frère, John Smith, et ses amis Archie Plante et Walter McDermott. Cependant, beaucoup d’autres restent inconnus.
On estime qu’environ 4 300 hommes des Premières Nations ont combattu lors de la Seconde Guerre mondiale. S’engager dans les forces armées n’était pas une décision facile à prendre pour beaucoup d’entre eux, car ils étaient confrontés à des politiques de recrutement racistes.
La majorité d’entre eux ont été recrutés dans l’armée canadienne, mais ils ont été exclus de l’Aviation royale canadienne et de la Marine royale canadienne. L’enrôlement dans l’Aviation royale canadienne était réservé aux « sujets britanniques d’ascendance européenne pure » jusqu’en 1942, et, la Marine royale canadienne, elle, n’acceptait que les personnes « d’ascendance européenne pure et de race blanche » jusqu’en 1943.
En outre, certains hommes des Premières Nations ont été critiqués par leur communauté pour avoir participé à l’effort de guerre.
Chers collègues, j’estime qu’il est temps de reconnaître le sacrifice que ces personnes ont consenti pour l’effort de guerre. À une époque où l’histoire risque d’être réécrite dans des pays comme les États-Unis, il nous incombe de garder bien vivante la mémoire de ces soldats et de nous souvenir de leurs efforts.
À l’occasion de la Journée des vétérans autochtones, prenons un moment pour nous souvenir des sacrifices et du service de ces courageuses personnes qui se sont battues pour défendre le Canada.
N’oublions jamais. Merci.
Des voix : Bravo!
(1340)
[Français]
Visiteur à la tribune
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, je vous signale la présence à la tribune de Rachel Aucoin, la nièce de l’honorable sénateur Aucoin.
Au nom de tous les honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue au Sénat du Canada.
Des voix : Bravo!
[Traduction]
Le jour du Souvenir
La Semaine des anciens combattants
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Honorables sénateurs, c’est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd’hui, à l’occasion de la Semaine des anciens combattants, afin de rendre hommage à nos héros canadiens d’hier et d’aujourd’hui, à ces femmes et à ces hommes courageux qui portent l’uniforme avec fierté, honneur et distinction.
La Semaine des anciens combattants est un moment sacré qui nous permet de marquer un temps d’arrêt et de rendre hommage à tous ceux qui ont servi notre pays en temps de guerre, qui ont pris part à des conflits et qui ont œuvré au maintien de la paix. Nos pensées vont aux plus de 2 millions de Canadiens qui ont porté l’uniforme de nos forces armées et aux plus de 118 000 d’entre eux qui ont fait le sacrifice ultime au nom de la liberté. Leur courage et leur dévouement ont façonné l’histoire de notre pays et ont protégé les libertés qui nous sont chères.
Leur bravoure sur les champs de bataille de la Première Guerre mondiale, de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée et de l’Afghanistan ainsi que dans le cadre de missions partout dans le monde fait partie intégrante de l’identité canadienne. Lorsque la guerre a éclaté dans la péninsule coréenne en 1950, le Canada a été l’un des premiers pays à réagir. Plus de 26 000 Canadiens ont répondu avec abnégation à l’appel du service, faisant face à des hivers rigoureux et à des combats féroces pendant toute la durée de la guerre. Leur résilience a permis de défendre un pays assiégé et de faire respecter les principes de liberté et de paix.
Cette année marque le début du 75e anniversaire de la guerre de Corée, un événement historique qui nous invite à réfléchir au courage, aux souffrances et aux sacrifices de ceux qui ont servi. Le lien qu’ont forgé le Canada et la Corée du Sud par leurs sacrifices communs perdure encore aujourd’hui, symbolisant l’espoir, la gratitude et la force durable d’une amitié née du courage.
Je dois ma vie à nos chers vétérans de la guerre de Corée, et je leur serai éternellement reconnaissante pour leur sacrifice et leur courage. Les blessures visibles et invisibles causées par leur service, ainsi que les familles qui les ont soutenus sans faillir, nous rappellent que l’impact de la guerre dépasse largement le champ de bataille.
Alors que nous portons fièrement nos coquelicots et que nous inclinons la tête en silence en ce jour du Souvenir, et que des couronnes sont déposées au pied de monuments commémoratifs partout au pays, rappelons que ce souvenir ne se limite pas à une seule journée; c’est une promesse pour toute la vie. C’est la promesse de perpétuer la mémoire de ceux qui ont affronté la peur sans hésitation, la promesse de ne jamais oublier leur courage, leur sacrifice ou le prix énorme de la liberté dont nous jouissons aujourd’hui.
Nous nous souvenons également de ceux qui ont fait le sacrifice ultime et de leurs proches qui ont attendu et prié pour leur retour sain et sauf, un retour qui n’est jamais venu.
À la 11e heure du 11e jour du 11e mois, nous faisons une pause ensemble, en tant que pays, pour leur rendre hommage et nous souvenir d’eux.
N’oublions jamais.
Des voix : Bravo!
Le décès de Peter Frances Hannam
L’honorable Robert Black : Honorables sénateurs, c’est le cœur lourd que je prends la parole pour rendre hommage à un de mes amis, Peter Hannam, qui s’est éteint paisiblement le 5 juin 2025 à l’âge de 85 ans. Peter Frances Hannam était une figure emblématique du secteur agricole ontarien, mais c’était aussi un homme, un ami, un mentor et un agriculteur exceptionnel, dont l’héritage est bien trop puissant pour tenir dans une brève déclaration.
Peter Hannam est né dans la ferme de sa famille près de Guelph, en Ontario. Il disait n’être jamais parti de chez lui et n’avoir jamais eu de véritable emploi.
Tout le monde savait que Peter était également un professionnel dévoué et un innovateur dans le secteur agricole qui souhaitait particulièrement découvrir comment adapter le soya au climat ontarien pour qu’il puisse y pousser. Selon Greg, le fils de Peter, « c’était pour lui une passion et un passe-temps ».
Son succès a joué un rôle essentiel dans l’expansion du soya, qui est devenu l’une des principales cultures du Canada. Il a ensuite cofondé et présidé First Line Seeds, une entreprise innovante spécialisée dans les semences de soya qui a offert de nouvelles technologies et de nouveaux débouchés commerciaux aux agriculteurs canadiens. Il a également occupé de nombreux postes de direction au sein de diverses organisations agricoles, défendant les intérêts des agriculteurs avec respect, intégrité et compétence. Ses employés et ses collègues le décrivent comme un leader juste mais ferme, discret, humble et généreux.
Comme me l’a confié sa chère amie Kathie MacDonald, « l’influence que Peter a eue sur bon nombre de ses employés se reflète dans le cheminement de leur carrière ».
Il a été intronisé au Temple canadien de la renommée agricole en 2006 et au temple de la renommée agricole de l’Ontario en 2015. Par ailleurs, l’Université de Guelph lui a décerné un doctorat honorifique en sciences en 2007. Peter a également été l’un des pères fondateurs du Programme avancé de leadership agricole, pour lequel j’ai été un fier mentor pendant 12 ans.
En plus des dons et du soutien qu’il offrait au programme, Peter y a régulièrement participé à titre de conférencier lors des séminaires. Il était aussi engagé auprès des 4-H, un programme de leadership pour les jeunes qui me tient particulièrement à cœur, comme vous le savez tous. Dans le secteur agricole, Peter était reconnu comme un mentor, un défenseur et un chef de file, et on ne compte plus les nombreuses réalisations professionnelles à son actif. Toutefois, je me souviendrai toujours de lui d’abord et avant tout pour son intégrité, sa générosité et sa gentillesse.
Pour un grand nombre de personnes, Peter était bien plus qu’un agriculteur ou un expert. Il était une source d’inspiration, une personne-ressource et un ami. Il continuera de vivre dans l’empreinte qu’il a laissée dans les innombrables vies qu’il a touchées, ainsi que dans la joie et l’amour qu’il partageait tout naturellement.
Je présente mes condoléances à ses enfants, Rob, Greg et Carol, et à leurs familles. Qu’il repose en paix.
Merci. Meegwetch.
Le décès de Rita Joe, c.p., C.M.
Le décès d’Elsie Charles Basque, C.M.
L’honorable Mary Coyle : Honorables sénateurs, alors que nous prolongeons la conclusion du Mois de l’histoire mi’kmaq et du Mois de l’histoire des femmes, je prends la parole aujourd’hui pour rendre hommage à deux grandes dames mi’kmaqs, deux pionnières inspirantes.
Rita Joe et Elsie Charles Basque étaient deux femmes mi’kmaqs qui ont marqué l’histoire. Elles ont toutes deux survécu au tristement célèbre pensionnat de Shubenacadie.
Elsie Charles Basque est née en 1916; ses parents étaient Margaret Labrador et Joe Charles. Elle fut la première personne mi’kmaq de Nouvelle-Écosse à obtenir un brevet d’enseignement et la toute première Mi’kmaq à enseigner dans une école non autochtone.
Mme Basque a passé une grande partie de sa vie à Boston, dans le Massachusetts, ce qui était courant pour les Néo-Écossais. Dans la région, nous appelions la côte est des États-Unis « les États de Boston ».
Lorsqu’elle vivait à Boston, Mme Basque a enseigné à beaucoup de gens sur les questions autochtones, notamment la culture mi’kmaq, les aînés autochtones et le statut des peuples autochtones américains. Elle était l’une des membres fondatrices du Boston Indian Council.
Mme Basque a reçu de nombreuses distinctions pour son leadership dans le domaine de l’éducation, notamment des doctorats honorifiques du Nova Scotia Teachers College à Truro, de l’Université Sainte-Anne et de l’Université Acadia.
Mme Basque a reçu la Médaille du jubilé de diamant de la reine Elizabeth II et, en 2009, elle est devenue membre de l’Ordre du Canada.
Rita Joe était une poète mi’kmaq née en 1932 à Whycocomagh, en Nouvelle-Écosse. Souvent qualifiée de poète lauréate du peuple mi’kmaq, Rita Joe a écrit de puissants poèmes traitant de l’identité autochtone et des préjudices qu’ont entraînés les pensionnats du Canada.
Devenue orpheline à 10 ans, elle a été envoyée dans un pensionnat. Comme Mme Basque, Rita Joe a fini par vivre et travailler à Boston pendant un certain temps. Elle a été décorée de l’Ordre du Canada en 1992, elle a été nommée membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada, elle a reçu ce qu’on appelait à l’époque le Prix national d’excellence décerné aux Autochtones ainsi que des diplômes honorifiques de l’Université Dalhousie, de l’Université du Cap-Breton et de l’Université Mount Saint Vincent.
Rita Joe a écrit six livres et a inspiré de nombreux écrivains autochtones. Avant de conclure, je vais réciter les vers du célèbre poème de Rita Joe intitulé J’ai perdu ma langue.
J’ai perdu ma langue
Celle que vous m’avez enlevée
Quand j’étais petite
À l’école Shubenacadie
Vous me l’avez arrachée
Je parle comme vous
Je pense comme vous
Je crée comme vous
La ballade confuse de la parole qui est la mienne
Je parle de deux manières
Et des deux manières, je dis
Que votre manière est la plus forte
Alors, je vous demande gentiment
De me laisser retrouver ma langue
Pour que je puisse vous apprendre qui je suis
Honorables collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour rendre hommage à ces remarquables leaders de Mi’kma’ki, Rita Joe et Elsie Charles Basque.
Wela’lioq.
Des voix : Bravo!
AFFAIRES COURANTES
La justice
L’Énoncé concernant la Charte en ce qui a trait au projet de loi C-3—Dépôt de document
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, un énoncé concernant la Charte préparé par le ministre de la Justice ayant trait au projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (2025), conformément à la Loi sur le ministère de la Justice, L.R.C. 1985, ch. J-2, par. 4.2(1).
(1350)
Audit et surveillance
Dépôt du deuxième rapport du comité
L’honorable Marty Klyne : Honorables sénateurs, j’ai l’honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le deuxième rapport (provisoire) du Comité permanent de l’audit et de la surveillance, intitulé Rapport annuel du Comité permanent de l’audit et de la surveillance : Activités et observations pour l’exercice 2024-2025. Je propose que l’étude du rapport soit inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.
(Sur la motion du sénateur Klyne, l’étude du rapport est inscrite à l’ordre du jour de la prochaine séance.)
[Français]
Le Sénat
Préavis de motion tendant à modifier le Règlement du Sénat
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, je donne préavis que, dans deux jours, je proposerai :
Que le Règlement du Sénat soit modifié :
1.en changeant la désignation numérique de l’article 3-4 actuel à celle de l’article 3-4(1);
2.par adjonction du nouvel article 3-4(2) suivant :
« Séance le jour du décès d’un sénateur
3-4. (2) Si un sénateur décède un jour où le Sénat siège, que ce soit avant ou au cours de la séance, le Président en informe le Sénat dès que les circonstances le permettent au cours de la séance. Le Sénat observe alors une minute de silence en mémoire du sénateur décédé. Le Sénat devrait dès lors lever sa séance, dès que les circonstances le permettent, après l’adoption d’une motion à cet effet, proposée conformément aux procédures habituelles. Il est entendu qu’à défaut de consentement, cette pratique ne prévaut pas sur toute autre disposition du Règlement. »;
3.à l’article 12-18(1), par substitution, aux mots « Un comité du Sénat », des mots « Sous réserve du paragraphe (4), un comité du Sénat »;
4.à l’article 12-18(2), par substitution, aux mots « du paragraphe (3) », des mots « des paragraphes (3) et (4) »;
5.à l’article 12-18(3), par substitution, aux mots « Le Comité permanent de l’audit et de la surveillance », des mots « Sous réserve du paragraphe (4), le Comité permanent de l’audit et de la surveillance »;
6.par adjonction des nouveaux articles 12-18(4) et (5) suivants :
« Décès d’un sénateur
12-18. (4) Sous réserve du paragraphe (5), si le Sénat suit la pratique normale et lève sa séance après avoir été informé du décès d’un sénateur, tel qu’énoncé à l’article 3-4(2), et la motion tendant à lever la séance fait référence à cet article ou le sénateur qui la propose fait référence au fait qu’elle est proposée conformément à cet article, le greffier du Sénat fait annuler toute séance de comité subséquente prévue ce jour-là qui n’a pas encore commencé. Le greffier en avise aussi le président de tout comité dont la séance est en cours, et dès réception de cette information, le président en avise le comité, qui observe alors une minute de silence en mémoire du sénateur décédé, suivie immédiatement de la levée de la séance par le président du comité. Aucune autre séance de comité ne peut être convoquée le jour où le Sénat a été informé du décès du sénateur.
Séances de comités en cas de décès d’un sénateur
12-18. (5) Les dispositions du paragraphe (4) ne s’appliquent pas dans l’un ou l’autre des cas suivants :
a) si le leader ou représentant du gouvernement, le leader de l’opposition et le leader ou facilitateur de tout autre parti reconnu ou groupe parlementaire reconnu, ou leur délégué, sont d’accord, à l’unanimité, qu’il est dans l’intérêt public qu’une séance de comité continue ou ait lieu, mais il est entendu que si une telle séance avait été annulée conformément au paragraphe (4) avant qu’un accord ne soit conclu, la séance peut être convoquée de nouveau le même jour;
b) si le comité se réunit à l’extérieur de l’enceinte parlementaire conformément à une autorisation déjà accordée par le Sénat. »;
7.à l’article 12-28 :
a)par substitution, aux mots « Le comité », des mots « Sauf disposition contraire, le comité »;
b)par adjonction, à la fin de l’article, d’une disposition contraire faisant renvoi au nouvel article 12-18(4).
La Loi sur la citoyenneté
Projet de loi modificatif—Première lecture
Son Honneur le Président intérimaire annonce qu’il a reçu de la Chambre des communes le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (2025), accompagné d’un message.
(Le projet de loi est lu pour la première fois.)
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la deuxième fois?
(Sur la motion du sénateur Moreau, la deuxième lecture du projet de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance d’après-demain.)
[Traduction]
Pêches et océans
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier l’indépendance des pêches côtières commerciales dans le Canada atlantique et au Québec et à être saisi des documents reçus et des témoignages entendus durant la première session de la quarante-quatrième législature
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, l’indépendance de la pêche côtière commerciale au Canada atlantique et au Québec, ainsi que les politiques et les outils législatifs utilisés par le gouvernement du Canada pour la préserver, comme la Politique du propriétaire-exploitant;
Que les documents reçus, les témoignages entendus, et les travaux accomplis par le comité au cours de la première session de la quarante-quatrième législature dans le cadre de son étude des questions relatives à la gestion des pêches et des océans du Canada soient renvoyés au comité;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.
Préavis de motion tendant à autoriser le comité à étudier le régime d’octroi de permis de pêche commerciale sur la côte du Pacifique
L’honorable Fabian Manning : Honorables sénateurs, je donne préavis que, à la prochaine séance du Sénat, je proposerai :
Que le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans soit autorisé à examiner, afin d’en faire rapport, le régime de délivrance des permis de pêche commerciale sur la côte Pacifique du Canada;
Que le comité soumette son rapport final au Sénat au plus tard le 31 décembre 2026 et qu’il conserve tous les pouvoirs nécessaires pour diffuser ses conclusions dans les 180 jours suivant le dépôt du rapport final;
Que le comité soit autorisé, nonobstant les pratiques habituelles, à déposer des rapports sur cette étude auprès de la greffière du Sénat si le Sénat ne siège pas à ce moment-là, et que lesdits rapports soient réputés avoir été déposés au Sénat.
PÉRIODE DES QUESTIONS
Les finances
La gestion financière
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Ma question s’adresse au leader du gouvernement.
Monsieur le leader du gouvernement, hier, la petite Béatrice était présente dans la tribune. Vous avez répondu à une question sur le genre de monde dont elle héritera, mais vous avez omis de mentionner qu’il faudra des années pour rembourser la dette qui pèse sur sa génération.
Hier, vous avez également tenté de défendre le bilan budgétaire désastreux du gouvernement en sélectionnant le seul indicateur positif disponible, à savoir le ratio dette nette-PIB. Or, la dernière analyse budgétaire du Fonds monétaire international, ou FMI, présente une situation très différente. Le ratio dette brute-PIB du Canada se situe au 5e rang des pays du G7, avec un renversant 113,9 %. Notre dette totale se classe au 7e rang des 32 économies avancées du FMI, et les ménages canadiens affichent désormais les taux d’endettement les plus élevés du G7. Aucun de ces chiffres ne tient compte du transfert de la dette aux provinces pour soutenir notre système de santé universel.
Monsieur le leader, pourriez-vous cesser de vous cacher derrière des statistiques sélectives et reconnaître que la gestion financière du gouvernement actuel fait passer l’ancien premier ministre Justin Trudeau pour un défenseur de la rigueur budgétaire?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je n’ai pas besoin de me cacher derrière quoi que ce soit, car je pense que le gouvernement est très fier du budget présenté hier. Permettez-moi de citer le premier ministre au sujet de la dette.
Il a expliqué que le poids de la dette par rapport au PIB est actuellement inférieur à ce qu’il était quand le gouvernement conservateur était au pouvoir — je crois qu’il est six fois moins élevé. Parallèlement, le nouveau gouvernement investit dans le Canada et protège les transferts aux provinces pour les soins de santé, l’éducation et les services sociaux. C’est une vision tournée vers l’avenir.
(1400)
Les trois quarts des mesures budgétaires visent à protéger notre souveraineté, nos frontières, nos collectivités et notre mode de vie. Le quart restant est consacré à l’abordabilité et aux réductions d’impôt pour la classe moyenne.
Le budget investit dans le Canada deux fois plus que n’importe quel autre budget du millénaire actuel. Nous n’avons absolument pas besoin de nous cacher derrière quoi que ce soit au sujet du budget qui a été présenté hier.
Le sénateur Housakos : Monsieur le leader du gouvernement, je vais citer l’ancien premier ministre Justin Trudeau lors du débat électoral de 2015 : « Le Canada a le ratio dette-PIB le plus bas au monde et le ratio par rapport au PIB le plus équilibré au monde. » C’est ce qu’a dit l’ancien premier ministre libéral, en attribuant ainsi le mérite au premier ministre Harper.
Soulignons ensuite qu’en fin de compte, au cours des 10 dernières années, le recours aux banques alimentaires a atteint des niveaux records, et les jeunes ne peuvent que rêver d’acheter une maison alors que le chômage chez les jeunes atteint des niveaux records.
Le gouvernement continuera-t-il à sélectionner les statistiques qui l’arrangent pour tenter de justifier son point de vue ou reconnaîtra-t-il ce que nous savons tous, c’est-à-dire que nous croulons sous les dettes?
Le sénateur Moreau : Eh bien, si nous croulions sous les dettes, nous aurions déjà été ensevelis à l’époque du gouvernement conservateur, car la situation était sept fois pire qu’aujourd’hui.
En ce qui concerne le coût de la vie, je peux vous parler des prestations fédérales automatiques, du Programme national d’alimentation scolaire et du crédit d’impôt pour les préposés des services de soutien à la personne. Maisons Canada fournit 1 milliard de dollars pour aider les sans-abri et les personnes dans le besoin à s’extirper de leur situation.
[Français]
Le budget de 2025
L’honorable Claude Carignan : Monsieur le leader, dans le budget déposé cette semaine, le gouvernement prévoit un nouveau fonds de 51 milliards de dollars sur 10 ans, destiné à financer les infrastructures dans les provinces.
Or, si l’on prend la seule province de Québec, cela représente 375 millions de dollars par année. Le Québec investit 19 milliards de dollars par année dans les infrastructures. La contribution du gouvernement fédéral correspondra donc à seulement 1,9 % des besoins. On comprend facilement pourquoi le ministre des Finances du Québec, Eric Girard, se dit insatisfait du budget fédéral. Or, il y a pire, monsieur le leader. Êtes-vous conscient que les investissements de 19 milliards de dollars consentis par le Québec génèrent plusieurs milliards de dollars en revenus de taxes et impôts directs et indirects pour le gouvernement fédéral? En fait, les 375 millions de dollars que le gouvernement fédéral octroie ne représentent qu’une toute petite goutte dans l’océan qu’il reçoit.
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Vous aviez une question sur vos cartons, sénateur; je le constate. Vous citez le ministre des Finances, M. Girard, de manière très incomplète. Il a conclu son intervention en disant que le gouvernement fédéral avait fait preuve de prudence en raison des temps incertains que nous traversons aujourd’hui.
Je pense que le gouvernement fédéral a été très clair lorsqu’il a déposé le budget; en effet, le premier ministre et le ministre des Finances ont indiqué que, en ces moments d’incertitude à l’échelle mondiale, le gouvernement doit se concentrer sur les éléments dont il dispose. Qu’a fait le gouvernement? Il a déposé un budget qui stimulera l’économie et qui, grâce aux provinces, aux municipalités et au secteur privé, pourrait attirer des investissements à la hauteur de 1 000 milliards de dollars. C’est du jamais-vu dans l’histoire des budgets au Canada, et ce n’est certainement pas une leçon que l’on peut tirer des budgets présentés par le gouvernement fédéral au moment où vous en faisiez partie, d’ailleurs, monsieur le sénateur.
Le sénateur Carignan : Monsieur le leader, vous critiquez le gouvernement conservateur; avez-vous encore votre carte de membre du Parti conservateur? On dit souvent qu’une image vaut mille mots. Si l’on pense seulement aux investissements qu’il faudrait faire pour rénover l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont, qui en a grandement besoin, on pourrait parler d’une enveloppe budgétaire de 5 milliards de dollars, selon les dernières estimations.
À la lumière de cet exemple, monsieur le leader, êtes-vous d’accord avec le ministre Girard, qui se dit insatisfait? J’ajouterais que ces 375 millions de dollars sont une insulte.
Le sénateur Moreau : Je suis totalement en désaccord pour dire qu’il s’agit d’une insulte, le gouvernement fédéral a indiqué son intention de collaborer avec les provinces et les municipalités, notamment dans le secteur de la santé et en transférant des sommes importantes et en investissant dans les infrastructures.
Hier, monsieur le sénateur, vous êtes intervenu pour nous reprocher de dépenser et aujourd’hui, vous intervenez pour dire que nous ne dépensons pas suffisamment. Heureusement qu’il n’y aura pas de période des questions demain, car votre troisième position risquerait d’être très inconfortable.
[Traduction]
L’immigration, les réfugiés et la citoyenneté
Les demandes de visas
L’honorable Yuen Pau Woo : Sénateur Moreau, ma question porte sur le programme canadien de mesures spéciales pour Gaza concernant les visas. En mars 2024, le ministre de l’Immigration de l’époque, l’honorable Marc Miller, a confirmé aux familles visées par les mesures spéciales pour Gaza qu’elles ne devraient pas attendre pour remplir leur demande de visa à Gaza et qu’elles devaient saisir toute occasion de partir vers un lieu sûr, par exemple l’Égypte.
Pouvez-vous confirmer qu’aucune famille n’a vu sa demande de visa retardée ou refusée parce qu’elle l’avait présentée depuis l’Égypte, et pouvez-vous nous assurer que les agents du Centre des opérations de réinstallation d’Ottawa ne pénalisent pas les familles visées par les mesures spéciales pour Gaza ou celles qui présentent leur demande depuis l’extérieur de Gaza?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci d’avoir soulevé cette question importante, sénateur Woo. J’ai été informé que les demandeurs n’ont pas besoin d’être à Gaza pour que leur demande soit traitée. En outre, comme la collecte des données biométriques n’est pas disponible à Gaza, les demandeurs doivent quitter Gaza avant de pouvoir faire enregistrer leurs données biométriques en Égypte — ou dans tout autre endroit de leur choix — afin que leur demande soit traitée, car il n’y a pas d’exigence particulière quant au lieu où les données biométriques doivent avoir été prélevées.
Je crois comprendre que, au 26 août 2025, plus de 1 790 personnes ayant quitté Gaza et dont la demande de visa de résident temporaire était en cours de traitement ont pu fournir leurs données biométriques, produire une demande et obtenir l’autorisation de venir au Canada.
Le sénateur Woo : Merci pour cette précision.
Maintenant que le gouvernement a reconnu l’État de Palestine, pouvez-vous également nous dire si le gouvernement intensifiera ses efforts pour faciliter le traitement des demandes de visas des Palestiniens qui souhaitent venir au Canada — pour ceux qui sont admissibles bien entendu?
Le sénateur Moreau : Je soulèverai certainement la question auprès de la ministre. D’après ce que j’ai compris, il n’y a aucune restriction dans le cas de ces demandes.
Le Bureau du Conseil privé
La communication des renseignements
L’honorable Colin Deacon : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Sénateur Moreau, depuis 2010, le Canada est passé du troisième au quarante-septième rang dans le classement de l’indice de développement de l’administration publique en ligne des Nations Unies, car seulement 23 % des services fédéraux sont entièrement numérisés.
Selon ce que le gouvernement a prévu, relativement à son projet Ambition numérique du Canada pour l’année 2024-2025, la mise en commun des données par les ministères doit être renforcée afin d’améliorer la prestation des services et la confiance du public. Cependant, en l’absence d’une approche pangouvernementale, la protection des données personnelles repose sur des milliers d’accords fragmentés d’échange de données et d’informations entre les ministères. Cette méthode, qui repose sur 270 points d’authentification distincts, répartis dans 33 ministères, est très inefficace et elle empêche les Canadiens d’accéder facilement aux services.
Le gouvernement peut-il nous confirmer le nombre d’accords d’échange de données et d’informations qui existent dans l’appareil gouvernemental fédéral en ce moment?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Malheureusement, je n’ai pas de chiffres à vous communiquer pour le moment, sénateur. Cependant, le gouvernement prend toutes les mesures possibles pour fonctionner efficacement.
Ainsi, dans le budget de 2025, le gouvernement a annoncé son intention d’établir un bureau de la transformation numérique pour trouver, appliquer et répandre des solutions technologiques dans l’ensemble de l’administration fédérale.
Par exemple, il cernera et éliminera les règles d’approvisionnement redondantes et contre-productives, et tirera parti du savoir-faire au sein de la fonction publique et dans le secteur privé pour s’attaquer à la question de l’adoption de l’intelligence artificielle.
Si j’obtiens plus de données chiffrées pour répondre à votre question, je vous les communiquerai dès que possible.
Le sénateur C. Deacon : Je vous remercie, sénateur Moreau, de prendre cet engagement.
Nous savons qu’il existe jusqu’à 10 000 accords d’échange de données et qu’ils ne font pas l’objet d’une surveillance attentive. Pour remédier à ce problème, le gouvernement pourrait notamment se servir de la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui protège les renseignements personnels des Canadiens que possède le gouvernement fédéral, qui garantit que ces renseignements ne sont collectés, utilisés ou divulgués qu’à des fins autorisées et qui donne des droits aux Canadiens. Quand le gouvernement a-t-il l’intention de mettre à jour et de remanier la Loi sur la protection des renseignements personnels, qui est vieille de 40 ans?
Le sénateur Moreau : Permettez-moi tout d’abord de saluer votre travail dans ce dossier. Je sais que vous vous y êtes beaucoup investi.
Bien que je ne puisse pas conjecturer sur la date à laquelle un éventuel projet de loi pourrait être déposé, je tiens à dire que le gouvernement prend très au sérieux le droit à la vie privée des Canadiens. C’est pourquoi il indique, dans le budget de 2025, qu’il compte renforcer la protection de la vie privée des Canadiens, notamment en proposant des modifications à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques.
(1410)
La santé
La santé mentale chez les jeunes
L’honorable Katherine Hay : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement au Sénat. Bon retour parmi nous. Je suis ravie de vous revoir. Il y a toujours une place pour vous de ce côté-ci, en passant.
Monsieur le sénateur, la santé mentale des jeunes au Canada est en crise, et le gouvernement reste plutôt silencieux là-dessus ces derniers temps. Le budget de 2025 ne fait qu’une brève allusion à la santé mentale, alors que les jeunes sont confrontés à des niveaux records d’anxiété, de dépression, de cyberintimidation, d’anxiété climatique et de suicide. À vrai dire, le Canada a un rôle de leader à jouer. Parmi les pays industrialisés, nous avons le quatrième taux en importance de suicide chez les jeunes. Le gouvernement a annoncé l’année dernière la création d’un fonds de 500 millions de dollars pour la santé mentale des jeunes. L’appel à propositions a pris fin en janvier de cette année. Depuis, rien n’a été fait : aucun détail, aucun versement et aucun calendrier pour les organismes communautaires, à l’exception d’environ 35 % du fonds destiné au Réseau de réseaux – Services intégrés pour les jeunes.
Selon une promesse électorale, c’était...
Son Honneur le Président intérimaire : Merci, madame la sénatrice.
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Merci de votre invitation, sénatrice. Je sais qu’il est plutôt en vogue de changer de camp ces temps-ci, mais je m’abstiendrai de le faire.
Pour répondre à votre importante question, les jeunes de partout au Canada éprouvent des difficultés de santé mentale, ce qui est regrettable. Grâce au Fonds pour la santé mentale des jeunes, le gouvernement du Canada effectue des investissements stratégiques afin d’apporter des améliorations durables et utiles à la santé mentale des jeunes et de leur famille.
Il s’agit notamment d’investissements visant à améliorer l’accès aux services de santé mentale communautaires et à améliorer l’orientation au sein des services et du soutien en santé mentale, de même que le renvoi vers ceux-ci.
L’innovation, les sciences et le développement économique
La Stratégie canadienne sur la capacité de calcul souveraine pour l’intelligence artificielle
L’honorable Katherine Hay : Merci, sénateur. J’attends avec impatience que ces fonds soient versés aux organismes communautaires.
L’intelligence artificielle progresse rapidement, et le Canada a pris du retard. Le budget de 2024 prévoyait 2 milliards de dollars pour la Stratégie canadienne sur la capacité de calcul souveraine pour l’intelligence artificielle, suivis d’un autre milliard dans le budget de 2025. Pouvez-vous nous donner des informations sur l’utilisation des fonds de 2024? Comment le solde de ce fonds sera-t-il utilisé, en plus de la nouvelle tranche de financement qui vient d’être annoncée?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je vais répondre à cette question au mieux de mes connaissances. L’innovation et la découverte scientifique sont les fondements d’une croissance économique à long terme. C’est pourquoi le gouvernement investit 4,2 milliards de dollars par an dans le programme d’encouragements fiscaux pour la recherche scientifique et le développement expérimental.
Le budget permettra au Canada de mettre en place l’infrastructure informatique nécessaire à l’intelligence artificielle, y compris le développement de systèmes d’infonuagique pleinement canadiens, pour un montant de 925 millions de dollars. Le ministre de l’Intelligence artificielle et de l’Innovation numérique...
[Français]
Son Honneur le Président intérimaire : Je vous remercie, sénateur Moreau.
[Traduction]
Le sénateur Moreau : Je vous ferai parvenir les renseignements.
[Français]
Le sénateur Carignan : Il n’y avait pas d’information sur le carton.
[Traduction]
Les finances
Le coût de la vie
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, ma question porte également sur le fardeau de la dette qui pèse sur les jeunes Canadiens. Dans le budget de 2024, le gouvernement libéral a déclaré : « Le financement de l’investissement nécessaire par une augmentation des emprunts serait injuste pour les jeunes [...] ». Or, un an plus tard, c’est exactement ce que fait le gouvernement : il augmente la dette tout en laissant les jeunes Canadiens assumer les coûts à long terme du remboursement de la dette. Les jeunes qui se joignent à la population active se heurtent à un marché du travail morose, à une augmentation du service de la dette, à une hausse fulgurante du coût de la vie et à une facture toujours plus élevée de dépenses du gouvernement actuel.
Monsieur le leader, le gouvernement estime-t-il désormais acceptable d’augmenter davantage le fardeau de la dette que les jeunes Canadiens devront supporter?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Je répète que le fardeau de la dette est moins lourd aujourd’hui qu’il ne l’était lorsque les conservateurs étaient au pouvoir. Ce n’est pas par magie. C’est parce que le gouvernement qui succède à un gouvernement conservateur prend des mesures judicieuses et efficaces pour alléger le fardeau de la dette, et c’est exactement ce que fait le gouvernement actuel avec le budget actuel.
Je reviens aux données du Moniteur des finances publiques d’octobre 2025, une publication du Fonds monétaire international. Le ratio de la dette nette sur le PIB est de 13,3 %. L’Allemagne affiche un taux de 48,7 %. Nous sommes à 13,3 %, au Canada.
Voulez-vous plus de données? Je vais vous en donner davantage. À part le Japon, le Canada a le ratio du déficit sur le PIB le plus bas. Il est actuellement de 2,5 % et il va baisser à 1,5 % en..
[Français]
Son Honneur le Président intérimaire : Je vous remercie, sénateur Moreau.
Le sénateur Carignan : Cela n’inclut pas les provinces et les municipalités?
[Traduction]
La sénatrice Batters : Respectez le Président.
La sénatrice Martin : Sénateur Moreau, les programmes d’emploi pour les jeunes du gouvernement que vous représentez ne valent pas grand-chose par rapport au fardeau financier considérable qui pèse sur cette génération. Le gouvernement prétend vouloir que les jeunes Canadiens soient traités équitablement. Alors, comment peut-il justifier l’adoption de politiques les obligeant à payer plus, ce qui leur laissera moins d’argent à l’avenir?
Le sénateur Moreau : Eh bien, l’abordabilité. Nous voulons que les jeunes puissent avoir un logement à l’avenir. Nous finançons donc le logement et, grâce au programme présenté par le gouvernement, nous avons éliminé la TPS pour les acheteurs d’une première maison. Nous investissons dans l’avenir des jeunes Canadiens et dans ceux qui ont le plus besoin d’aide au Canada. C’est la responsabilité du gouvernement, et c’est ce que le gouvernement fait...
[Français]
Son Honneur le Président intérimaire : Je vous remercie, sénateur Moreau.
[Traduction]
La gestion financière
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, vous faites preuve d’une grande créativité dans vos calculs, mais la vérité, c’est que le gouvernement a accumulé une dette et des déficits records au cours de la dernière décennie. Personne ne niera que le coût de la vie a atteint un niveau record. Nous luttons contre l’inflation. Nous traversons une crise de pénurie. Les jeunes ont du mal à louer et à acheter une maison. Personne ne peut le nier. Les files d’attente devant les soupes populaires atteignent des niveaux historiques. Ce sont les faits.
Nous savons également que lorsque nous faisons trop d’emprunts et que nous abusons du crédit, cela finit par avoir un impact sur le pouvoir d’achat de notre dollar. Nous sommes conscients de la situation du dollar canadien au cours des derniers mois sous la direction du premier ministre Carney et au cours des dernières années sous la direction de ses ministres. C’est une situation désastreuse pour notre dollar. Pouvez-vous dire au Sénat, monsieur le leader du gouvernement, quand le dollar canadien a été pour la dernière fois à parité avec le dollar américain? Je suis curieux de savoir si vous vous souvenez de ces années glorieuses.
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Au lieu de regarder en arrière, le gouvernement choisit de regarder en avant parce que, malheureusement, si nous regardons en arrière, nous voyons le gouvernement conservateur augmenter la dette, et pas seulement pour les Canadiens — et c’est exact. Cependant, vous savez quoi? Je vais citer quelqu’un qui est d’accord avec le gouvernement :
Après une réflexion approfondie et de longues discussions avec mes électeurs et ma famille, je suis arrivé à une conclusion claire : il existe une meilleure voie pour notre pays — et une meilleure voie pour Acadie–Annapolis.
Le premier ministre Mark Carney propose cette voie par un nouveau budget qui répond aux priorités que j’ai le plus souvent entendues dans ma circonscription : bâtir des infrastructures communautaires fortes et bâtir une économie plus forte.
Ce sont les mots de Chris d’Entremont.
[Français]
Le sénateur Carignan : Qu’il aille en élection pour consulter ses...
[Traduction]
Le sénateur Housakos : Citer des libéraux pour défendre votre budget ne vous mènera nulle part, sénateur Moreau. Soyons honnêtes. Vous êtes celui qui, depuis le début de la période des questions, regarde en arrière. Je dis simplement que si nous examinons la période allant de 2008 à 2013 sous le premier ministre Harper, non seulement notre dollar était à parité avec le dollar américain, mais il était aussi à divers moments plus fort parce que nous avions un plan et étions responsables financièrement. Quand votre gouvernement commencera-t-il à faire preuve de responsabilité financière comme l’ont fait le premier ministre Harper et même le premier ministre Chrétien avant lui?
Le sénateur Moreau : Il l’a déjà fait en déposant un budget responsable. Il l’a fait l’autre jour, et nous aurons le plaisir, au cours des prochaines semaines, d’étudier le budget en toute honnêteté. Peut-être qu’un jour vous serez d’accord avec Chris d’Entremont.
L’emploi et le développement social
L’emploi chez les jeunes
L’honorable Farah Mohamed : Ma question s’adresse au leader du gouvernement. Sénateur Moreau, j’ai été heureuse de constater, dans le budget Un Canada fort, que le gouvernement prévoit des fonds pour investir dans l’emploi chez les jeunes. Toutefois, vu l’énormité de la crise, le taux de chômage chez les jeunes étant le double de celui chez les adultes, on peut uniquement considérer la somme prévue comme une mise de fonds.
L’un des moyens que le gouvernement a choisis pour aider les jeunes à acquérir des compétences et créer des emplois pour les jeunes est le programme Emplois d’été Canada. Ayant utilisé ce programme, j’en comprends le mérite. Cependant, la vérificatrice générale a constaté un manque de données essentielles à l’égard de ce programme, à savoir combien d’emplois il crée et si ces emplois mènent à une carrière, car en vérité, c’est le souhait exprimé par les jeunes. Le gouvernement prendra-t-il des mesures pour remédier à cette lacune de sorte que le programme représente une voie vers un véritable emploi plutôt qu’une voie vers quelques chèques de paie à court terme?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Les jeunes Canadiens rencontrent des défis sur le marché du travail. Nous en sommes tous conscients étant donné que le taux de chômage chez les jeunes s’élevait à 14,7 % en septembre. Dans le budget de 2025, le gouvernement prévoit que le programme Emplois d’été Canada soutiendra 100 000 emplois d’été, grâce à un investissement de 594 millions de dollars.
(1420)
Bien que le gouvernement soit également déterminé à aider les jeunes à trouver un emploi rémunérateur, il prend cette question très au sérieux. C’est pourquoi il investit plus de 300 millions de dollars dans la Stratégie emploi et compétences jeunesse afin d’offrir une formation à 20 000 jeunes Canadiens qui rencontrent des obstacles à l’emploi, et 635 millions de dollars dans le Programme de stages pratiques pour étudiants afin de soutenir 55 000 possibilités d’apprentissage intégré au travail pour les étudiants de niveau postsecondaire.
La sénatrice Mohamed : Monsieur le leader, la vérificatrice générale s’est également dite préoccupée par le fait que le programme Emplois d’été Canada n’exige pas des employeurs qu’ils démontrent que les postes financés n’existeraient pas autrement, et qu’il ne fait pas le suivi de la qualité ou des résultats de ces emplois. Sans ces données, il est impossible de savoir si les fonds publics créent de nouvelles possibilités pour les jeunes ou s’ils servent simplement à subventionner les salaires des emplois que les employeurs auraient comblés de toute façon.
Comment le gouvernement utilisera-t-il de meilleures données et une meilleure conception des programmes pour s’assurer que l’argent des contribuables sert véritablement à développer les compétences et les perspectives de carrière des jeunes, et ne sert pas uniquement à dédommager les employeurs pour les coûts salariaux liés aux emplois temporaires existants?
Le sénateur Moreau : En 30 secondes, je comprends que dans sa réponse à la vérificatrice générale, le gouvernement a accepté sa recommandation et travaille à l’élaboration d’options et de recommandations pour recueillir ces données plus efficacement. Pour être clair, il existe des preuves que le programme Emplois d’été Canada favorise la création d’emplois pour les jeunes. Je pense que le gouvernement a pris des engagements à cet effet.
[Français]
Les finances
Le budget de 2025
L’honorable Éric Forest : Ma question s’adresse au représentant du gouvernement.
Dans le budget présenté cette semaine, le gouvernement a annoncé des investissements de milliards de dollars pour les infrastructures des provinces. Des annonces, c’est très bien, mais voir les chèques, ce serait encore mieux.
Selon un calcul rapide, 8,5 milliards de dollars destinés au Québec sont encore bloqués à Ottawa. Cette somme est prévue pour le logement, le transport en commun et la lutte aux changements climatiques. Malgré une entente de principe, on attend toujours les fonds de 1,3 milliard de dollars destinés au Fonds canadien pour les infrastructures liées au logement, de même que les fonds de 6,6 milliards de dollars pour le Fonds pour le transport en commun du Canada, les fonds de 308 millions de dollars pour le Fonds des solutions climatiques axées sur la nature et les fonds de 246 millions de dollars qui doivent être consacrés aux trois programmes du Fonds municipal vert.
Je suis certain que le représentant du gouvernement au Sénat, qui a lui-même été ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, comprend la frustration des élus municipaux.
Comment explique-t-on que ces 8,5 milliards de dollars destinés au Québec soient toujours dans les coffres à Ottawa?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : Sénateur Forest, non seulement j’ai été ministre des Affaires municipales et de l’Occupation du territoire, j’ai aussi été ministre responsable de l’habitation en 2014. Nous sommes 10 ans plus tard. Je constate la rapidité de tous les ordres de gouvernement en ce qui a trait à la capacité, et pas seulement le gouvernement fédéral.
Vous savez aussi bien que moi qu’il y a trois ordres de gouvernement qui sont interpellés par les questions liées à l’habitation : le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les municipalités. Lorsque des ententes sont conclues, on peut commencer à penser que les sommes vont être décaissées. Il arrive fréquemment que même après la signature des ententes, pour toutes sortes de raisons qui dépendent des trois ordres de gouvernement, ces sommes ne se rendent pas à destination. Les trois ordres de gouvernement auraient avantage à essayer de trouver des façons de faire en sorte que les sommes soient disponibles plus rapidement.
Je vous remercie pour la question.
Le sénateur Forest : Les relations entre les municipalités et le gouvernement d’Ottawa sont souvent dans une situation un peu illégitime. Les citoyens du Québec et le monde municipal font donc les frais d’une guerre de compétence entre Québec et Ottawa. Pendant que l’on se querelle sur les conditions et les modalités des programmes, comme vous l’avez vous-même dit, l’argent dort à Ottawa. Pourquoi le gouvernement fédéral n’arrive-t-il pas à s’entendre avec le Québec sur ces sommes destinées aux municipalités et aux citoyens québécois?
Le sénateur Moreau : La question est très intéressante et fort complexe. Personne au Québec ne vous dira que le gouvernement fédéral devrait transiger directement avec les municipalités. Le Québec est jaloux de sa compétence à l’égard du monde municipal. J’ai moi-même déjà été membre du gouvernement du Québec, j’ai défendu cela et je le défendrai même dans cette enceinte. Il n’y a aucun doute là-dessus.
Pour ce qui est de la question de rendre les sommes disponibles, vous avez raison de dire que les trois ordres de gouvernement doivent faire les efforts nécessaires.
[Traduction]
Régie interne, budgets et administration
Les travaux du comité
L’honorable Percy E. Downe : Ma question s’adresse à la présidente du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l’administration.
Comme vous le savez, le gouvernement offre un programme visant à embaucher des membres qualifiés des Forces armées canadiennes et de la Gendarmerie royale du Canada qui ont été libérés pour des raisons médicales. Il s’agit de personnes qui ont été blessées en servant le Canada et qui ne peuvent plus occuper leur poste actuel en raison de limitations physiques.
Le Sénat participe-t-il à ce programme, et avons-nous embauché des membres des Forces armées canadiennes ou de la Gendarmerie royale du Canada qui ont été libérés pour des raisons médicales?
L’honorable Lucie Moncion : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur. Je vais devoir vérifier.
Le sénateur Downe : Merci. Je comprends parfaitement.
Dans la négative, envisageriez-vous d’ajouter ce point à l’ordre du jour du Comité de la régie interne afin que celui-ci étudie la possibilité que le Sénat participe au programme? En outre, pourriez-vous informer le Sénat si certains membres du comité s’opposent à cette initiative?
La sénatrice Moncion : Je vous remercie de votre question, monsieur le sénateur.
Je vous demanderais de bien vouloir envoyer votre demande par écrit, en envoyant une copie conforme à Pascale Legault afin qu’elle puisse ajouter ce point à l’ordre du jour du comité et faire le travail nécessaire dans ce dossier, le cas échéant. Elle pourra également vérifier si nous disposons déjà des documents nécessaires ou s’il faut en préparer.
Les finances
Le soutien aux petites entreprises
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition) : Monsieur le leader du gouvernement, les petites entreprises de tout le Canada espéraient trouver des allégements fiscaux significatifs dans le budget fédéral de 2025. Elles espéraient notamment une réduction de leur taux d’imposition afin de libérer des capitaux pour l’investissement, l’emploi et l’innovation. Or, le budget n’a pour l’essentiel que recyclé des annonces sans offrir de changement substantiel.
Monsieur le leader, pourquoi le gouvernement n’a-t-il pas accordé les allégements fiscaux dont les petites entreprises ont désespérément besoin, et quand cessera-t-il enfin de traiter les propriétaires de petites entreprises comme une considération secondaire au profit des dépenses politiques?
L’honorable Pierre Moreau (représentant du gouvernement au Sénat) : J’ai récemment écouté les déclarations des représentants du secteur des petites entreprises, en particulier celui du Québec, et ils étaient très satisfaits du budget de 2025. À ma connaissance, il n’y a aucun mécontentement.
Quand le gouvernement tente de stimuler l’économie afin de la renforcer, c’est avantageux pour tous les Canadiens. C’est profitable pour les petites, les moyennes et les grandes entreprises, pour tous les Canadiens et pour l’avenir du Canada.
Je ne suis pas d’accord avec vous à propos du budget. Au cours des prochaines semaines, nous aurons l’occasion d’examiner minutieusement les mesures budgétaires et nous verrons si les représentants des petites entreprises sont aussi mécontents que vous le dites. Toutefois, je ne crois pas que ce soit le cas, car ils savent que le gouvernement s’efforce de bâtir une économie forte.
La sénatrice Martin : Tous les allégements fiscaux sont bénéfiques pour les petites entreprises. À l’heure actuelle, ces entreprises supportent un lourd fardeau partout au pays.
Monsieur le leader, les petites entreprises savent que les déficits d’aujourd’hui sont les impôts de demain. En continuant d’emprunter et de dépenser, vous siphonnez le carburant de l’économie. Votre gouvernement s’engagera-t-il à réduire le taux d’imposition des petites entreprises cette année afin que les entrepreneurs canadiens puissent investir plutôt que simplement survivre?
Le sénateur Moreau : En tout respect, vous devriez discuter avec votre collègue. Il y a quelques minutes à peine, il a posé des questions parce qu’il estimait que le gouvernement ne dépensait pas assez. Vous devez vous mettre d’accord au sein de votre groupe.
Le gouvernement a déclaré qu’il dépenserait moins et investirait davantage. Quelle partie de cette proposition vous dérange?
ORDRE DU JOUR
Les travaux du Sénat
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat) : Honorables sénateurs, conformément à l’article 4-12(3) du Règlement, j’informe le Sénat que, lorsque nous passerons aux affaires du gouvernement, le Sénat abordera les travaux dans l’ordre suivant : l’étude de la motion no 24, suivie de la motion no 25, suivie de la motion no 26, suivie de tous les autres articles dans l’ordre où ils figurent au Feuilleton.
Le Sénat
Adoption de la motion concernant les délibérations du projet de loi C-3
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 5 novembre 2025, propose :
Que, nonobstant toute disposition du Règlement, tout ordre antérieur ou toute pratique habituelle, en ce qui concerne le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (2025) :
1.si le Sénat reçoit le projet de loi après l’adoption du présent ordre, le projet de loi, une fois qu’il aura été lu la première fois, soit inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture plus tard ce même jour, à condition que, si le Sénat a déjà passé le point dans l’ordre du jour où il traiterait du projet de loi à l’étape de la deuxième lecture, il soit pris en considération à cette étape immédiatement, ou, si une autre affaire est à l’étude au moment où le projet de loi est reçu, celui-ci soit inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture en tant que l’affaire suivante;
2.si, avant l’adoption du présent ordre, le projet de loi a été inscrit à l’ordre du jour pour une deuxième lecture à une séance ultérieure à celle où cet ordre est adopté, la deuxième lecture soit avancée, dès l’adoption du présent ordre, de façon à ce que le projet de loi soit pris en considération à l’étape de la deuxième lecture en tant que prochaine affaire;
3.si le projet de loi est adopté à l’étape de la deuxième lecture, il soit renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui, aux fins de son étude du projet de loi, soit autorisé à se réunir, même si le Sénat siège à ce moment-là ou est ajourné;
4.le 19 novembre 2025 :
a)si le comité fait rapport du projet de loi sans amendement, le projet de loi soit inscrit à l’ordre du jour pour une troisième lecture plus tard au cours de cette séance;
b)si le comité n’a pas fait rapport du projet de loi au plus tard avant la fin des affaires courantes, il soit réputé avoir fait rapport du projet de loi sans amendement à ce moment-là, les délibérations sur le projet de loi étant alors sujettes à la disposition précédente;
c)si le comité fait rapport du projet de loi avec amendement ou avec une recommandation que le Sénat abandonne l’étude du projet de loi :
(i)le rapport soit inscrit à l’ordre du jour pour étude plus tard au cours de cette séance;
(ii)une fois que le Sénat a rendu une décision sur le rapport, le projet de loi, s’il est encore devant le Sénat, soit pris en considération à l’étape de la troisième lecture immédiatement;
d)les délibérations sur toute affaire reliée au projet de loi ne soient pas ajournées et aucun vote par appel nominal demandé à cet égard ne soit reporté;
e)si, à 19 heures, le Sénat n’a pas terminé les délibérations sur le projet de loi, la Présidente interrompe les délibérations alors en cours afin de mettre aux voix toutes les questions nécessaires pour rendre une décision finale sur le projet de loi à l’étape de la troisième lecture sans autre débat, pourvu que :
(i)si un rapport au sujet du projet de loi est à l’ordre du jour à ce moment-là, mais que son adoption n’a pas encore été proposée, une motion tendant à l’adoption du rapport soit réputée avoir été proposée à ce moment-là;
(ii)si la troisième lecture du projet de loi n’a pas encore été proposé à ce moment-là, la parole soit donnée au parrain, ou à son délégué, et ce, uniquement pour proposer la troisième lecture, soit à ce moment-là, soit une fois que le Sénat se sera prononcé sur le rapport du comité, si le projet de loi est encore à l’étude au Sénat;
f)si la Présidente interrompt les délibérations à 19 heures conformément aux dispositions du présent ordre, aucun autre débat n’ait lieu et aucun autre amendement ne puisse être proposé, et, si un vote par appel nominal est demandé après ce moment-là, le vote ne soit pas reporté et la sonnerie ne retentisse qu’une fois pendant 15 minutes et ne retentisse pas de nouveau pour les votes subséquents nécessaires pour rendre une décision sur le projet de loi;
g)la séance ne soit pas levée avant que toutes les délibérations sur le projet de loi ne soient terminées, les dispositions du Règlement et tout ordre concernant l’heure de levée de la séance étant suspendus jusqu’à ce que tous les travaux devant avoir lieu ce jour-là conformément au présent ordre ne soient terminés;
h)l’application des dispositions de l’article 3-3(1) du Règlement soit suspendue;
i)les comités devant se réunir après 16 heures soient autorisés à le faire, même si le Sénat siège à ce moment-là;
5.si le Sénat ne siège pas le 19 novembre 2025, toute disposition dans le présent ordre qui fait référence à cette date soit lue comme si elle faisait référence à la séance suivante du Sénat;
6.une fois que le comité a fait rapport du projet de loi ou est réputé en avoir fait rapport, toute motion tendant à renvoyer le rapport ou le projet de loi au comité ou à un autre comité soit irrecevable;
7.si un vote sur toute affaire reliée au projet de loi a été reporté avant le 19 novembre 2025 à cette date, les délibérations concernant le projet de loi se poursuivent après ce vote reporté, sujettes aux dispositions du paragraphe 4 du présent ordre, le cas échéant.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(1430)
La Loi sur la citoyenneté
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture
L’honorable Mary Coyle propose que le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (2025), soit lu pour la deuxième fois.
— Honorables sénateurs, j’aimerais commencer en soulignant que nous sommes réunis aujourd’hui sur le territoire traditionnel et non cédé du peuple algonquin anishinaabe. Nous sommes reconnaissants de vivre et de travailler sur ces terres, et nous devons continuer à réfléchir à la manière dont nos lois, y compris les lois sur la citoyenneté, sont façonnées par nos responsabilités communes.
Chers collègues, il est intéressant de noter que nous examinons le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté (2025), qui traite du rétablissement et de l’acquisition de la citoyenneté canadienne, au moment même où le Sénat examine le projet de loi S-2, Loi modifiant la Loi sur les Indiens en ce qui concerne les nouveaux droits d’inscription.
Alors qu’aujourd’hui nous nous préoccupons de rétablir les droits et les privilèges liés à la citoyenneté canadienne par filiation, nos collègues du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones étudient une loi qui traite de certaines des inégalités qui subsistent dans les dispositions de la Loi sur les Indiens relatives à l’inscription et à l’appartenance à une bande. Ces deux lois concernent le droit d’appartenance, l’identité.
Je suis Néo-Écossaise et j’ai passé une grande partie de ma carrière à travailler auprès de communautés, au Canada et dans le monde entier. J’ai ainsi pu constater à quel point le sentiment d’appartenance, l’identité et la citoyenneté façonnent la vie des gens. J’ai entendu les récits de familles qui portent le Canada dans leur cœur, qu’elles vivent à Antigonish, à Edmonton, au Botswana ou en Bolivie. Leur expérience nous rappelle que la citoyenneté ne se résume pas à des formalités administratives, qu’elle est aussi une question de liens. Elle constitue à la fois un privilège et un lien profond et, pour ceux dont nous parlons aujourd’hui, c’est en fait un droit.
Pour situer un peu le contexte, je vous invite à retourner en 1947, car la Loi sur la citoyenneté canadienne est entrée en vigueur le 1er janvier 1947. C’est à ce moment que la citoyenneté canadienne a acquis un statut juridique. Avant ce changement, résultat d’une initiative prise après la Seconde Guerre mondiale par le gouvernement du premier ministre William Lyon MacKenzie King, les personnes nées au Canada et les immigrants naturalisés étaient considérés comme des sujets britanniques.
La Loi sur la citoyenneté canadienne reflétait de manière significative le sentiment d’identité nationale qui émergeait au Canada. Le gouvernement espérait aussi que la création d’une citoyenneté canadienne atténuerait les tensions raciales et ethniques qui existaient au pays et qu’elle favoriserait un sentiment d’unité au sein d’une population de plus en plus diversifiée.
Lors de la première cérémonie de citoyenneté canadienne, tenue le 3 janvier 1947, 26 personnes ont reçu leur certificat de citoyenneté canadienne, dont le premier ministre Mackenzie King : il a reçu le certificat numéro 0001.
(1440)
La Loi sur la citoyenneté canadienne a établi trois façons d’acquérir la citoyenneté canadienne : premièrement, par naissance sur le sol canadien, quand quelqu’un naît au Canada; deuxièmement, par naturalisation, quand quelqu’un immigre au Canada et acquiert le statut de citoyen canadien; et troisièmement, par filiation, quand quelqu’un naît à l’extérieur du Canada, mais obtient sa citoyenneté d’un parent qui est citoyen canadien.
En 1977, une nouvelle loi sur la citoyenneté a été adoptée, et celle-ci a maintenu ces trois moyens d’acquérir la citoyenneté canadienne. Elle a permis de remédier à certains des obstacles à la citoyenneté qui avaient entraîné la perte de la citoyenneté canadienne pour certaines personnes auparavant, mais elle ne les a pas tous éliminés.
Aujourd’hui, nous discutons d’un projet de loi que beaucoup attendaient; il vise à régler des problèmes de longue date dans la Loi sur la citoyenneté du Canada afin qu’elle reflète mieux tant la valeur de la citoyenneté canadienne que la réalité de la vie des familles canadiennes dans notre monde très interconnecté.
Au fil des ans, les modifications apportées à nos lois sur la citoyenneté ont eu des conséquences inacceptables pour des familles canadiennes, en particulier la limite de la première génération introduite en 2009. Depuis, un citoyen canadien né à l’étranger qui a acquis la citoyenneté par filiation ne peut généralement pas transmettre la citoyenneté à son enfant si celui-ci est également né à l’étranger. Cela concerne des familles qui ont des liens authentiques avec le Canada, des familles comme la mienne et, je suppose, comme celle de certains de mes collègues sénateurs. Je sais que le sénateur Boehm a deux enfants nés à l’étranger.
Pensons à tous les membres des Forces armées canadiennes dont les enfants sont nés pendant que la famille était en poste en Europe. Pensons aux enfants de diplomates canadiens en poste à travers le monde, de Canadiens qui travaillent pour l’ONU ou pour des ONG internationales, ou de Canadiens qui travaillent pour des multinationales.
Je vais maintenant vous raconter une histoire personnelle. Le 8 avril 1982 — je vous amène avec moi au jour de mon accouchement — à la lumière d’une lanterne à kérosène et avec l’aide de deux sages-femmes botswanaises hautement qualifiées à l’hôpital adventiste du septième jour de Kanye, au Botswana, j’ai donné naissance à ma plus jeune fille, Lindelwa Naledi, ou Lindi. Mon mari et moi vivions au Botswana depuis près de deux ans et demi. Je travaillais pour le ministère du Commerce et de l’Industrie en tant que responsable de l’industrie rurale pour le district sud du pays. Notre fille de 6 ans, Emilie, et notre fille de presque 3 ans, Lauren, sont nées au Canada.
À 27 ans, je n’avais aucune idée que les droits de mon nouveau bébé, né cette nuit-là, seraient différents de ceux de ses sœurs nées au Canada. Lindi a obtenu la citoyenneté canadienne en tant que fille de deux Canadiens. Toutefois, lorsqu’elle a donné naissance à ses deux filles à Monterrey, au Mexique, en 2017 et 2019, elle n’avait pas le droit de transmettre sa citoyenneté canadienne à ses enfants, Violetta et Sierra, mes deux plus jeunes petites-filles.
Ces enfants ont obtenu la citoyenneté canadienne par leur père né en Nouvelle-Écosse, et non par leur mère, ma fille. Si son conjoint avait été Mexicain, ou de toute autre nationalité, ils n’auraient pas eu droit à la citoyenneté canadienne, même si leur mère était Canadienne et que sa mère à elle était une sénatrice canadienne.
Ses sœurs, Emilie et Lauren, auraient pu transmettre la citoyenneté à leurs enfants, peu importe le lieu de naissance de ceux-ci, parce que mes deux premiers enfants sont nés au Canada. La question ne s’est finalement pas posée pour elles, puisque mes autres petits-enfants sont nés à Edmonton, Halifax et Antigonish.
Chers collègues, on a trois sœurs — mes trois filles —, toutes Canadiennes, toutes nées de parents canadiens qui, sans le projet de loi C-3, n’ont pas le même droit de transmettre la citoyenneté.
Heureusement, dans l’affaire Bjorkquist, en 2023, la Cour supérieure de justice de l’Ontario a déclaré inconstitutionnelles des dispositions fondamentales de la limite imposée à la citoyenneté par filiation après la première génération. Elle a estimé que cette limite, telle qu’elle existe actuellement, est incompatible avec la Charte. La cour a suspendu l’application de sa déclaration jusqu’au 20 novembre, une date qui approche à grands pas.
Si nous n’agissons pas d’ici cette date, la décision du tribunal s’appliquera et la citoyenneté par filiation n’aura plus de limite pour beaucoup, tandis que certaines personnes qui ont perdu leur statut de citoyen resteront dans l’incertitude. Voilà pourquoi j’exhorte les sénateurs à faire avancer ce projet de loi le plus rapidement possible. Les personnes qui ont perdu leur statut de citoyen sont celles qui ont perdu leur citoyenneté ou qui n’ont jamais pu l’acquérir en raison de certaines dispositions désuètes de l’ancienne législation sur la citoyenneté.
Le projet de loi C-3 est une réponse raisonnable à la décision de la cour. Il affirme que le droit à la citoyenneté qu’il confère ne peut être assorti de restrictions arbitraires. Il établit un équilibre important qui garantit un accès équitable et protège la valeur de la citoyenneté canadienne.
Permettez-moi de souligner plusieurs caractéristiques qui témoignent de la clarté et de l’équité de ce projet de loi.
Premièrement, le projet de loi C-3 propose des règles claires pour l’accès à la citoyenneté par filiation à partir de maintenant. À l’avenir, dans les cas où le parent canadien est né ou a été adopté à l’étranger, son enfant né ou adopté à l’étranger pourra accéder à la citoyenneté à condition que le parent ait un lien substantiel avec le Canada. Ce lien substantiel est démontré par une présence physique au Canada pendant 1 095 jours, soit trois ans, cumulés avant la naissance ou l’adoption de l’enfant.
Le gouvernement a choisi cette approche parce qu’elle est similaire à l’exigence de présence physique de 1 095 jours pour la naturalisation. Elle reconnaît que les Canadiens nés à l’étranger peuvent avoir établi un lien avec le Canada et que ce lien peut être maintenu alors que la personne poursuit des occasions à l’étranger, comme le font de nombreux Canadiens.
Par exemple, un Canadien né à l’étranger peut passer la majeure partie de son enfance au Canada, choisir de venir y étudier ou accumuler du temps dans le pays en rendant visite à des membres de sa famille ou en s’occupant d’eux.
Deuxièmement, la mesure législative comble des écarts historiques comme celui dont je parlais. Si elle est adoptée, elle accorderait la citoyenneté au-delà de la première génération à toute personne née à l’étranger d’un parent canadien avant l’entrée en vigueur de ce projet de loi. La mesure se serait appliquée à mes petits-enfants nés au Mexique de ma fille née au Botswana s’ils n’avaient pas eu un père né au Canada.
Elle s’appliquerait à certains de mes amis qui vivent à Washington et probablement à des amis de bon nombre d’entre vous. Mon amie Annie est Canadienne par sa mère. Ses deux enfants sont nés aux États-Unis, tout comme elle. Ses enfants ne peuvent pas obtenir automatiquement la citoyenneté canadienne, à cause de la disposition limitant la transmission de la citoyenneté à la première génération. Si le projet de loi C-3 est adopté, ses enfants auraient droit à la citoyenneté canadienne.
Il rétablirait également la citoyenneté des personnes qui l’avaient perdue en raison de la règle des 28 ans, qui est maintenant abrogée. Cette règle précisait que des citoyens canadiens nés à l’étranger perdraient leur citoyenneté s’ils ne demandaient pas de la conserver avant l’âge de 28 ans, comme l’exigeait à l’époque l’article 8 de la Loi sur la citoyenneté.
Cela comprend les personnes qui se considéraient comme des Canadiens à tous les égards ou qui ont perdu leur citoyenneté à leur insu. Le projet de loi C-3 fait en sorte que la loi tienne enfin compte de cette réalité.
Troisièmement — et ceci est un aspect important —, le projet de loi maintient le cadre offrant une voie d’accès à la citoyenneté semblable pour les familles qui adoptent des enfants à l’étranger. Ainsi, avant l’entrée en vigueur du projet de loi, les familles auront une voie d’accès direct à la citoyenneté — je parle de l’autre voie, celle de la naturalisation — pour tous les enfants adoptés par un parent canadien. Après l’entrée en vigueur de la loi, elles y auront accès à condition que le parent canadien, qui est né ou a été adopté à l’étranger également, ait cumulé les trois années de présence effective requises au Canada. Cela permettra d’harmoniser l’approche pour les enfants nés et adoptés à l’étranger.
Quatrièmement, le projet de loi C-3 prévoit l’accès à un processus simplifié pour les personnes qui pourraient automatiquement obtenir la citoyenneté canadienne grâce à ces changements, mais qui ne souhaitent pas la conserver, notamment dans certains cas où la double citoyenneté pourrait entrer en conflit avec les lois d’un autre pays.
Nous avons entendu des préoccupations selon lesquelles le projet de loi C-3 pourrait créer des centaines de milliers de nouveaux citoyens, ce qui pourrait exercer des pressions sur les services sociaux.
(1450)
Personne ne peut prédire avec précision combien de personnes deviendront citoyennes grâce au projet de loi C-3, car le Canada n’a pas recensé les naissances à l’étranger depuis 1977. L’adhésion à ce programme dépendra également des choix personnels futurs : où les Canadiens auront des enfants, s’ils en auront ou pas, combien ils en auront et si ces nouveaux citoyens choisiront de demander une preuve de citoyenneté.
Ce que nous savons, c’est qu’entre janvier 2024 et juillet 2025, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a reçu un peu plus de 4 200 demandes d’attribution discrétionnaire de citoyenneté dans le cadre de la mesure provisoire destinée aux personnes touchées par la restriction de la citoyenneté par filiation à la première génération. Depuis que le gouvernement a introduit les modifications précédentes en 2009 et en 2015, environ 20 000 personnes qui ont perdu la citoyenneté canadienne ont présenté une demande pour obtenir une preuve de citoyenneté. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada a reçu moins de 2 400 demandes par année de la part de personnes qui ont perdu la citoyenneté canadienne au cours des années les plus chargées après l’entrée en vigueur des modifications apportées pendant cette période.
Sur la base de ces éléments, Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada prévoit aujourd’hui des volumes de l’ordre de plusieurs dizaines de milliers de demandes au fil du temps, et non de plusieurs centaines de milliers.
En ce qui concerne la question du coût pour le Canada, il est vrai que toute personne qui obtient la citoyenneté en vertu du projet de loi C-3 aura le droit, comme tout autre citoyen, d’accéder aux programmes ou services gouvernementaux auxquels elle est admissible. C’est là le point essentiel : auxquels elle est admissible.
Il est important de noter que chaque programme ou service, qu’il soit fédéral ou provincial, a ses propres critères d’admissibilité. Ces critères peuvent inclure l’âge, le niveau de revenu, la déclaration de revenus, la résidence au Canada, ou la résidence dans une province ou un territoire donné pendant une période déterminée. Ils ne dépendent pas uniquement du fait qu’une personne ait ou non la citoyenneté.
Toute personne qui présente une demande pour un programme ou service donné doit satisfaire à tous les critères pertinents pour pouvoir bénéficier de ce programme ou service, comme tout autre Canadien.
Nous avons également entendu suggérer que la loi devrait imposer des vérifications de sécurité aux personnes qui obtiennent la citoyenneté au titre des dispositions du projet de loi C-3 — un groupe qui, je tiens à le souligner, se compose en grande partie d’enfants à faible risque — ou que ces personnes devraient réussir un examen pour établir qu’elles maîtrisent une des langues officielles du Canada.
L’obtention de la citoyenneté par filiation n’a jamais exigé de vérification de la sécurité, des antécédents criminels ou des compétences linguistiques, et cela ne change pas avec le projet de loi C-3, conformément aux modifications apportées par le gouvernement à la citoyenneté par filiation en 2009 et 2015.
Le projet de loi C-3 porte sur la citoyenneté. Il ne s’agit pas d’une loi sur l’immigration. En tant que sénateurs, nous avons le devoir de veiller à ce que nos lois sur la citoyenneté soient équitables, inclusives et reflètent la réalité des familles canadiennes, au pays et partout dans le monde. Le Sénat s’est souvent réuni pour examiner avec soin et pragmatisme des questions complexes et de longue date. Le projet de loi C-3 est précisément une de ces questions.
Je tiens également à saluer le travail préparatoire qui nous a amenés à ce stade. Au fil du temps, le Parlement a voulu remédier au problème et ouvrir l’accès à la citoyenneté pour les personnes touchées par la limite de la première génération, notamment lorsqu’il a étudié sérieusement le projet de loi S-245 et l’ancien projet de loi C-71 en comité, ce qui a donné lieu à des contributions utiles.
Le présent projet de loi s’appuie sur ces travaux pour proposer une solution complète et tournée vers l’avenir, qui rétablit ce qui a été perdu et donne accès à la citoyenneté à ceux qui ont un lien authentique avec le Canada.
Le projet de loi C-3 établit un cadre qui est conforme aux règles de longue date concernant la citoyenneté par filiation, qui évite les obstacles inutiles et qui répond aux préoccupations légitimes au moyen de données probantes plutôt que des conjectures.
Mon travail à divers endroits dans le monde m’a permis de constater les bienfaits que procurent des lois claires, équitables et empreintes de compassion. Ce projet de loi nous donne l’occasion de veiller à ce que notre cadre d’accès à la citoyenneté ne divise pas arbitrairement les familles canadiennes et à ce qu’il tienne compte des liens authentiques avec le Canada de manière pratique et respectueuse des principes établis.
Chers collègues, la date limite qui nous est imposée est réelle et nous avons la responsabilité, en tant que parlementaires, de corriger certaines injustices historiques. Les personnes privées à tort de la citoyenneté canadienne qui y auraient enfin accès grâce au projet de loi C-3 n’en ont pas été privées à cause de leur comportement ou de celui de leurs parents. Je vous exhorte à adopter le projet de loi C-3 afin qu’il puisse être renvoyé sans délai au comité.
Merci, Wela’lioq.
L’honorable Michèle Audette : La sénatrice Coyle accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Coyle : Bien sûr.
La sénatrice Audette : Je vous remercie infiniment d’avoir accepté de parrainer ce projet de loi et, surtout, d’avoir également parlé du projet de loi S-2 dans votre introduction. Je tiens à préciser que le projet de loi S-2 ne règle pas la question de l’exclusion après la deuxième génération pour les femmes des Premières Nations du pays. J’espère que nous aurons votre appui, car certaines modifications pourraient tenir compte de ce que le projet de loi C-3 propose pour les familles nées à l’extérieur du Canada. Je tenais simplement à le préciser.
La sénatrice Coyle : Je pense que ce n’était pas une question.
L’honorable Percy E. Downe : Sénatrice Coyle, je vous remercie de votre intervention très instructive. Comme le projet de loi vient d’arriver au Sénat aujourd’hui, je n’ai pas encore eu l’occasion de l’examiner en détail. Pourriez-vous m’éclairer sur les mesures de sécurité relatives à ces Canadiens de la génération suivante quand ils viendront dans notre pays? Autrement dit, si je vous ai bien compris — et corrigez-moi au besoin —, l’enfant né d’une personne qui aurait passé trois ans au Canada obtiendrait la citoyenneté canadienne. J’en déduis que la personne pourra automatiquement venir au Canada à n’importe quel moment de sa vie. Y aura-t-il des contrôles de sécurité avant que cette personne n’arrive ici pour passer ses trois ans? Savez-vous comment cela fonctionnera?
La sénatrice Coyle : J’essaie de bien comprendre le scénario que vous proposez. Il y a deux choses. Nous tentons de corriger la situation pour les gens qui ont été privés de la citoyenneté à cause de la règle d’exclusion après la première génération qui continuera de s’appliquer jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi. Je pense à des personnes comme ma fille, par exemple, et ses enfants. Pour elle, ce n’est pas un problème, car elle a passé beaucoup de temps au Canada. Franchement, ce n’est un problème pour aucun d’entre eux : on ne peut pas imposer quelque chose rétroactivement. On ne peut pas imposer cette exigence de trois ans à des personnes qui ne savaient pas que c’était une exigence. C’est la première chose que je dirais.
Je crois que vous faites référence au fait qu’à partir de maintenant, les parents doivent prouver qu’ils ont un lien substantiel avec le Canada. Il s’agit d’une période de trois ans, peu importe le moment, avant la naissance ou l’adoption d’un enfant auquel ils souhaitent transmettre leur citoyenneté. Il s’agit d’un citoyen canadien qui transmet sa citoyenneté à son enfant. L’enfant n’obtiendrait la citoyenneté que si le parent satisfait à ce critère de lien substantiel. L’enfant n’aurait pas à se soumettre à une vérification de sécurité.
Mes enfants, qui sont citoyens, n’ont pas à passer de vérifications de sécurité. Vos enfants n’auraient pas à le faire non plus. Ce sont des citoyens canadiens. Si vous avez satisfait à ce critère, vous êtes un citoyen canadien comme les autres.
Le sénateur Downe : J’aimerais simplement obtenir une précision, si j’ai bien compris, si ma fille était née au Canada et avait ensuite eu un enfant en Suisse, celui-ci aurait automatiquement obtenu, en vertu de cette mesure législative, la citoyenneté canadienne. Cet enfant pourrait alors venir d’office au Canada après avoir passé 50 ans de sa vie en Suisse, car il serait un citoyen canadien. Cependant, au cours de ces 50 années passées en Suisse — j’ai choisi la Suisse sans raison particulière —, il pourrait avoir eu un lourd casier judiciaire, mais cela n’aurait aucune incidence sur sa capacité à entrer au Canada. Ai-je raison?
(1500)
La sénatrice Coyle : Cela dépend. En effet, il n’y aurait pas de test pour vérifier les antécédents criminels.
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, j’interviens aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture à titre de porte-parole pour le projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur la citoyenneté.
Ce projet de loi, qui avait été présenté sous le numéro C-71 pendant la dernière législature, vise à donner suite à la décision rendue par la Cour supérieure de l’Ontario dans l’affaire Bjorkquist et al. c. Attorney General of Canada, communément appelée l’affaire des Canadiens perdus.
Avant d’entrer dans les détails du projet de loi C-3, il est important de prendre un peu de recul pour comprendre comment, une fois de plus, le manque de préparation du gouvernement crée une situation d’urgence au Sénat, ce qui signifie qu’un projet de loi est traité à toute vitesse et que l’idée d’un second examen objectif est balayée du revers de la main.
Rendue en décembre 2023, la décision Bjorkquist aborde la constitutionnalité de l’« inapplicabilité après la première génération » prévue à l’alinéa 3(3)a) de la Loi sur la citoyenneté. La cour a déclaré cette disposition inconstitutionnelle en vertu de l’article 15 de la Charte des droits et libertés. Elle a suspendu sa déclaration d’invalidité pour six mois — jusqu’au 19 juin 2024 — afin de donner au Parlement le temps de réagir.
Bien qu’il s’agisse d’une décision importante, elle n’a pas été rendue par une cour d’appel ni par la Cour suprême du Canada. Le gouvernement fédéral avait plusieurs options. Il aurait pu demander des éclaircissements ou un réexamen à une juridiction supérieure, comme le font souvent les gouvernements lorsque des questions constitutionnelles touchent à des politiques nationales fondamentales comme celles qui concernent la citoyenneté. Il aurait pu interjeter appel auprès de la Cour d’appel de l’Ontario ou même faire un renvoi à la Cour suprême du Canada : ces démarches auraient fourni des orientations au Parlement et lui auraient permis de légiférer en s’appuyant sur une base constitutionnelle solide.
Il existe un précédent clair à cet égard. Quand des questions fondamentales de politique nationale se posent, les gouvernements cherchent à obtenir des éclaircissements auprès des tribunaux supérieurs avant de légiférer. Par exemple, dans l’affaire Carter c. Canada, le gouvernement en a appelé de la décision de la Cour suprême de la Colombie-Britannique — un tribunal du même niveau que celui qui a statué dans l’affaire Bjorkquist —, qui avait invalidé la disposition du Code criminel interdisant le suicide assisté, une question ayant de profondes implications constitutionnelles et morales.
La décision finale de la Cour suprême a fourni des lignes directrices nationales et a permis de garantir que la réponse du Parlement reposait sur un cadre constitutionnel bien établi. En revanche, dans l’affaire Bjorkquist, le gouvernement a choisi de ne pas interjeter appel. Ainsi, le Parlement doit légiférer sans bénéficier des éclaircissements fournis par une cour d’appel ou la Cour suprême.
La décision de ne pas interjeter appel a donné le ton à tout ce qui a suivi. En renonçant à interjeter appel, le gouvernement a privilégié l’opportunisme plutôt que la clarté, et la politique plutôt que la prudence. Ce qui aurait dû être un moment de réflexion juridique et politique approfondie s’est transformé en une course contre la montre auto-imposée pour faire avancer la vision idéologique du gouvernement en matière de citoyenneté. Ce faisant, le gouvernement a limité la capacité du Parlement à examiner correctement la question et il a renforcé l’impression que les délais judiciaires sont utilisés comme prétextes pour faire adopter à la hâte des projets de loi complexes sans délibération adéquate.
Nous avons déjà observé cette tendance auparavant. Lors du débat sur le projet de loi C-7 au cours de la dernière législature, qui modifiait le Code criminel pour élargir l’accès à l’aide médicale à mourir, le gouvernement avait également invoqué le délai imposé par les tribunaux pour justifier la limitation du débat et l’accélération de l’adoption du projet de loi.
Au lieu d’interjeter appel de la décision Truchon de la Cour supérieure du Québec afin d’obtenir des éclaircissements, il a immédiatement accepté cette décision et a utilisé le délai imposé par la Cour pour comprimer l’examen parlementaire sur une question d’une grande importance éthique et constitutionnelle. Ce précédent a révélé une habitude troublante : traiter les délais judiciaires non pas comme des garde-fous pour la justice, mais comme des outils permettant de fabriquer de toutes pièces une situation d’urgence politique.
Le même réflexe se manifeste dans le cas du projet de loi C-3.
À maintes reprises, le gouvernement a montré qu’il n’était pas disposé à accorder la priorité à ce projet de loi. Ayant raté sa première date butoir, le 19 juin 2024, il a demandé de multiples prolongations, dont la plus récente — une cinquième — arrive à échéance le 20 novembre 2025. Maintenant, deux semaines avant cette date, alors qu’il ne reste que quatre jours de séance, on demande au Sénat d’approuver le projet de loi, et non d’en débattre.
Le projet de loi C-3 étend l’obtention automatique de la citoyenneté aux personnes de deuxième génération et au-delà nées à l’étranger, même si elles peuvent avoir un lien limité ou non tangible avec le Canada. Cet élargissement général risque de créer de nouvelles incertitudes et incohérences plutôt que de simplement remédier à l’inégalité particulière relevée par la cour.
Ce qui est peut-être le plus inquiétant, c’est la façon dont le gouvernement a traité la décision de la cour, c’est-à-dire non pas comme une directive à l’intention du Parlement, mais comme une justification pour faire adopter à la hâte un projet de loi complexe sans la rigueur du processus approprié.
Dans notre système parlementaire, le respect des procédures régulières n’est pas une formalité, mais une garantie. Il permet de s’assurer que les projets de loi sont examinés, remis en question et améliorés avant d’être adoptés. Lorsqu’un gouvernement utilise une échéance imposée par les tribunaux — ou toute autre échéance — pour limiter les délibérations du Parlement, il compromet les principes mêmes de transparence et de responsabilité qui confèrent à cette institution sa légitimité.
Nous n’en sommes qu’au début de la 45e législature, et déjà le premier ministre Carney fait preuve du même mépris et des mêmes réflexes que son prédécesseur à l’égard du processus parlementaire. Au lieu de laisser aux deux Chambres le temps nécessaire pour mener un débat constructif, entendre les témoignages d’experts et réfléchir mûrement, le gouvernement fait pression sur le Sénat pour que le projet de loi soit adopté rapidement afin de respecter une échéance.
Ce qui aurait dû être une occasion de collaboration et d’examen minutieux s’est plutôt transformé en un exercice de précipitation au sein de l’exécutif. La séance d’information technique qui s’est tenue aujourd’hui de 12 h 35 à 13 h 15, et qui s’est terminée juste au moment où la sonnerie retentissait pour convoquer les sénateurs, en est un exemple évident. Cette programmation ne laissait que deux heures entre la séance d’information, le débat sur ce projet de loi, qui concerne directement la définition et la transmission de la citoyenneté canadienne, et le vote à l’étape de la deuxième lecture. Une telle approche laisse peu de place à une préparation minutieuse ou à une discussion éclairée. Examiner des mesures aussi importantes dans de telles conditions vient entraver plutôt que renforcer la capacité du Sénat à exercer un véritable second examen objectif. Précipiter l’adoption d’un projet de loi complexe est contraire à l’intérêt public; cela ne sert que l’échéancier du gouvernement.
Le rôle du Sénat n’est pas de suivre aveuglément le calendrier du gouvernement, mais de respecter le devoir d’examen du Parlement. Le Sénat n’a jamais été conçu pour fournir une approbation servile à l’exécutif; il a été créé pour effectuer un second examen objectif, surtout lorsqu’un projet de loi touche à quelque chose d’aussi fondamental que notre identité, c’est-à-dire notre citoyenneté.
Si précipiter l’étude en comité, limiter le débat et traiter la date limite fixée par la cour comme une épée de Damoclès représente un second examen objectif du projet de loi pour le gouvernement, alors il a mal compris le rôle de cette institution. Un véritable examen minutieux exige de la patience, un débat approprié et le respect du processus, toutes des choses qui, oui, demandent parfois du temps, mais dont le projet de loi C-3 n’a pas bénéficié et ne bénéficiera pas au Sénat.
Essentiellement, le projet de loi C-3 étend la citoyenneté automatique par filiation aux enfants de deuxième génération nés à l’étranger et instaure une nouvelle exigence selon laquelle un parent doit avoir été physiquement présent au Canada pendant au moins 1 095 jours, soit environ 3 ans, au cours de sa vie, avant la naissance ou l’adoption de l’enfant afin de lui transmettre la citoyenneté.
De plus, le projet de loi redonne la citoyenneté aux Canadiens dépossédés, qui l’ont perdue ou ne l’ont jamais obtenue en vertu des dispositions antérieures de la loi. Bref, le projet de loi C-3 élargit le groupe de personnes qui peuvent automatiquement hériter de la citoyenneté canadienne tout en établissant un critère de présence physique limité pour ceux qui la transmettent.
Le projet de loi définit un « lien substantiel » avec le Canada comme étant 1 095 jours cumulatifs — environ 3 ans — de présence physique au Canada avant la naissance ou l’adoption d’un enfant à l’étranger. Comme ces trois années peuvent être accumulées à n’importe quel moment de la vie d’une personne, un parent n’a pas besoin d’être né au Canada pour transmettre sa citoyenneté. Par conséquent, la citoyenneté serait désormais multigénérationnelle, car les parents n’auraient plus besoin d’être nés au Canada.
Cela pourrait permettre à une famille vivant de façon permanente à l’extérieur du Canada, et dont plusieurs générations sont nées à l’extérieur du pays, d’obtenir la citoyenneté canadienne.
Le comité de la Chambre des communes chargé d’étudier le projet de loi y a apporté des amendements, qui visaient à renforcer ce cadre en précisant que les trois ans de présence physique devaient être accumulés au cours d’une période de cinq ans précédant la naissance ou l’adoption de l’enfant. C’était un amendement raisonnable qui reflétait les structures existantes dans la Loi sur la citoyenneté, telles que les exigences de résidence pour la naturalisation, et qui aurait assuré la cohérence et la clarté.
En exigeant que ces trois années se situent dans une période de cinq ans, le Parlement aurait maintenu une norme claire et familière de lien actuel et démontrable. Pourtant, le gouvernement a décidé de rejeter tous les amendements adoptés par le comité de l’autre endroit, et ce, même s’ils étaient conformes aux principes de la loi et qu’ils renforçaient le projet de loi à l’étude.
De plus, accorder automatiquement la citoyenneté à des personnes qui n’ont que peu ou pas de liens durables avec le Canada risque de nuire à la cohérence de la loi. La Loi sur la citoyenneté cherche depuis longtemps à trouver un équilibre entre équité et lien tangible, ce qui donne à la citoyenneté à la fois un sens et une stabilité.
Quand la politique va trop loin dans le sens d’un droit automatique sans garantir un lien démontrable avec le pays, cet équilibre commence à s’affaiblir. La citoyenneté a toujours reflété un équilibre entre les responsabilités de l’État et la participation de sa population. Elle ne se limite pas à un passeport ou à un morceau de papier; c’est un engagement envers un lieu, une communauté et une réciprocité. Lorsque nous l’élargissons de manière générale, sans aucune attente en matière de participation ou d’obligation partagée, nous risquons non seulement d’en diluer la signification juridique, mais aussi son objectif civique.
(1510)
Il convient de rappeler, chers collègues, que les gouvernements précédents ont relevé des défis similaires. En 2006, pendant le conflit au Liban, le Canada a entrepris l’une des plus importantes évacuations de ressortissants canadiens de son histoire. Il a transporté par avion, vers un lieu sûr, des dizaines de milliers de citoyens et de personnes ayant la double nationalité. Cette opération extraordinaire a également soulevé des questions difficiles concernant les liens, la résidence et les obligations qui accompagnent la citoyenneté, des préoccupations largement débattues à l’époque relativement à la « citoyenneté de convenance ». Plutôt que d’ignorer les leçons à tirer de cet épisode, le gouvernement a compris qu’il était nécessaire d’adopter une approche équilibrée qui respecte à la fois la mobilité et la responsabilité.
Sous le premier ministre Stephen Harper, le Parlement a cherché à atteindre cet équilibre au moyen d’une réforme législative concrète. En 2009, le projet de loi C-37 a rétabli la citoyenneté des personnes qui l’avaient perdue en vertu des anciennes règles de conservation et a veillé à ce qu’elle puisse être automatiquement transmise à la première génération née à l’étranger, une solution qui respectait l’équité sans ouvrir la porte indéfiniment.
Plus tard, en 2014, le projet de loi C-24 a modernisé le serment, renforcé les responsabilités qui accompagnent la citoyenneté et traité des cas de fraude ou de fausse déclaration. Ces changements ont renforcé la confiance dans le système en faisant de l’obtention de la citoyenneté un geste significatif, délibéré et responsable.
Les conservateurs ont toujours appuyé les efforts qui visent à corriger les injustices subies par les Canadiens ayant perdu leur citoyenneté, ceux qui, en raison de dispositions désuètes comme l’ancien article 8 de la Loi sur la citoyenneté, ont été dépossédés de leur citoyenneté ou se sont vu refuser la citoyenneté pour des raisons indépendantes de leur volonté. Les gouvernements successifs ont reconnu cette injustice, et les députés conservateurs ont appuyé les solutions ciblées permettant de rétablir la citoyenneté des personnes injustement touchées. Voilà, chers collègues, une voie équilibrée, ancrée dans l’équité, la clarté et le respect à la fois pour la personne et pour l’institution qu’est la citoyenneté.
En revanche, le projet de loi C-3 s’éloigne de cette tradition. Au bout du compte, chers collègues, la citoyenneté ne devrait jamais être traitée comme une chose qu’on accorde à la légère. C’est bien plus qu’un statut juridique; c’est un engagement commun qu’il faut protéger par des normes claires et des mesures significatives. La citoyenneté est, essentiellement, un contrat social, une relation entre l’État et l’individu qui se fonde à la fois sur des droits et des responsabilités. Elle reflète non seulement ce que l’État doit à ses citoyens, mais aussi ce que les citoyens doivent aux valeurs, aux institutions et aux traditions qui unissent notre pays.
Honorables sénateurs, bien que nous soyons conscients de la réalité juridique actuelle, notamment la suspension de l’invalidité par la cour et l’incertitude que le non-respect du délai aurait créée pour les familles à l’étranger et pour les fonctionnaires chargés de l’administration de la citoyenneté, cela n’excuse pas l’approche du gouvernement. Nous avons appuyé la motion de procédure visant à permettre au Sénat de respecter le délai fixé par la cour, non pas pour cautionner la précipitation du gouvernement, mais pour respecter la responsabilité du Parlement et la primauté du droit.
Il n’en demeure pas moins que le gouvernement a privilégié une approche idéologique plutôt qu’un travail méthodique. Il a choisi la précipitation plutôt que la prudence. Il a pris une décision d’un tribunal et en a fait une vaste entreprise législative sans débat parlementaire approfondi. Bien que nous appuyions certaines dispositions du projet de loi C-3 qui traitent de l’article 8 et corrigent les injustices subies par les personnes qui ont perdu la citoyenneté canadienne et les injustices liées aux adoptions, le projet de loi, dans sa forme actuelle, va bien au-delà des mesures correctives exigées. En rejetant des amendements raisonnables qui auraient renforcé le projet de loi et l’auraient aligné sur les principes déjà énoncés dans la Loi sur la citoyenneté, le gouvernement demande au Sénat d’approuver l’incertitude plutôt que le changement.
Pour ces raisons, honorables sénateurs, nous ne pouvons appuyer le projet de loi C-3 dans sa forme actuelle. Merci.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Conformément à l’ordre adopté plus tôt aujourd’hui, le projet de loi est renvoyé d’office au Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.
[Français]
Affaires juridiques et constitutionnelles
La Loi sur l’abrogation des lois—Autorisation au comité d’étudier le rapport de 2025 et la liste de lois ou de dispositions de lois dont il est proposé de rejeter l’abrogation en 2025
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 5 novembre 2025, propose :
Que le rapport sur la Loi sur l’abrogation des lois pour l’année 2025, dont le dépôt est inscrit aux Journaux du Sénat du 29 mai 2025, de même que la liste de lois ou de dispositions de lois dont il est proposé de rejeter l’abrogation, déposée au Sénat le 5 novembre 2025, soient renvoyés au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour étude et rapport;
Que le comité soumette son rapport au Sénat au plus tard le 4 décembre 2025.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Traduction]
L’ajournement
Adoption de la motion
L’honorable Patti LaBoucane-Benson (coordonnatrice législative du représentant du gouvernement au Sénat), conformément au préavis donné le 5 novembre 2025, propose :
Que, lorsque le Sénat s’ajournera après l’adoption de cette motion, il demeure ajourné jusqu’au mardi 18 novembre 2025, à 14 heures.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
[Français]
Projet de loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant
Deuxième lecture
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice Pate, appuyée par l’honorable sénatrice Duncan, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-206, Loi concernant l’élaboration d’un cadre national sur le revenu de base garanti suffisant.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
Une voix : Avec dissidence.
(La motion est adoptée et le projet de loi est lu pour la deuxième fois, avec dissidence.)
Renvoi au comité
Son Honneur le Président intérimaire : Honorables sénateurs, quand lirons-nous le projet de loi pour la troisième fois?
(Sur la motion de la sénatrice Pate, le projet de loi est renvoyé au Comité sénatorial permanent des finances nationales.)
[Traduction]
La Loi sur l’Agence du revenu du Canada
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénateur Downe, appuyée par l’honorable sénateur Prosper, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-217, Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé).
L’honorable Elizabeth Marshall : Honorables sénateurs, je prends aujourd’hui la parole en tant que porte-parole pour le projet de loi S-217, présenté par le sénateur Downe et intitulé Loi modifiant la Loi sur l’Agence du revenu du Canada (rapports concernant l’impôt sur le revenu impayé). Bien que mon rôle de porte-parole consiste normalement à critiquer, il se trouve que j’appuie pleinement ce projet de loi. J’espère que, cette fois-ci, il sera adopté et entrera en vigueur.
Comme la plupart d’entre vous le savent, le sénateur Downe défend cette cause depuis plus de 10 ans. Son premier projet de loi d’intérêt public sur la question a été déposé au Sénat en avril 2015, sous le numéro S-226, mais il est mort au Feuilleton quand les élections ont été déclenchées cette année-là. Il a présenté à nouveau le projet de loi sous le numéro S-243, en 2018. Celui-ci a été adopté par le Sénat avec quelques amendements mineurs apportés en comité, puis il a atteint l’étape de la deuxième lecture à l’autre endroit.
(1520)
Le projet de loi S-258 en était la version suivante, présentée en mars 2023 et intégrant les modifications qui avaient été recommandées lors du débat sur le projet de loi précédent. Le projet de loi S-258 a été adopté à l’étape de la deuxième lecture, puis étudié par le Comité des finances nationales, qui, à cette fin, a tenu deux réunions et entendu l’Agence du revenu du Canada et le directeur parlementaire du budget.
Alors que l’Agence du revenu du Canada a tenté de démontrer que le projet de loi était inutile et injustifié, le directeur parlementaire du budget de l’époque l’a fortement approuvé en déclarant que le projet de loi S-258 renforcerait la capacité du directeur parlementaire du budget à accéder aux données sur le manque à gagner fiscal nécessaires à la réalisation d’une analyse indépendante. Il a ajouté qu’une telle analyse serait selon lui très utile aux parlementaires et aux Canadiens.
Le Sénat a adopté le projet de loi S-258 sans amendement en juin 2024, mais malheureusement, la prorogation du Parlement a entraîné sa mort au Feuilleton de l’autre endroit.
Le projet de loi actuel, le projet de loi S-217, a fait l’objet d’un examen minutieux au fil des ans et a reçu à plusieurs reprises un appui important au Sénat. J’espère sincèrement que cette dernière version recevra le même appui, non seulement au Sénat, mais également à l’autre endroit.
Le projet de loi S-217 est identique au projet de loi S-258. Il prévoit trois modifications principales à la Loi sur l’Agence du revenu du Canada. Premièrement, il exige que l’Agence du revenu du Canada produise au moins une fois tous les trois ans des statistiques sur le manque à gagner fiscal. Deuxièmement, il oblige le ministre du Revenu national à fournir les données sur le manque à gagner fiscal au directeur parlementaire du budget. Troisièmement, il exige que l’Agence du revenu du Canada énumère toutes les condamnations pour évasion fiscale, y compris celles pour évasion fiscale internationale, dans le rapport qu’elle soumet chaque année au ministre du Revenu national.
Le manque à gagner fiscal désigne la différence entre le montant des impôts qui devraient être perçus et celui qui est réellement perçu. Bien que son calcul ne soit pas une science exacte, étant donné qu’il y a souvent des revenus cachés ou des erreurs de bonne foi, il existe des méthodes crédibles pour estimer une fourchette fiable.
Par exemple, en 2022, l’Agence du revenu du Canada a estimé que le manque à gagner fiscal brut du Canada se situait entre 35 et 40 milliards de dollars, soit environ 9 % du total des recettes fédérales. Elle a également estimé qu’elle pourrait récupérer environ 17 milliards de dollars grâce à des mesures d’application de la loi, ce qui laisserait un manque à gagner fiscal net de 23 milliards de dollars.
En quoi est-ce important? C’est important parce que mesurer le manque à gagner fiscal nous fournit un outil de diagnostic essentiel, un point de repère qui nous indique l’efficacité du système fiscal. Sans cet outil, nous ne pouvons pas savoir clairement si les mesures d’application de la loi sont efficaces et nous ne disposons d’aucun moyen concret pour évaluer les progrès réalisés.
Comme je l’ai indiqué dans mon discours sur le projet de loi S-258, le simple fait de calculer le manque à gagner fiscal ne règle aucun problème en soi, mais cela revient en quelque sorte à prendre les signes vitaux d’une personne : cela permet de détecter si quelque chose ne va pas et si la situation s’améliore ou s’aggrave. Si le manque à gagner fiscal est élevé, on sait que l’on a un problème; s’il augmente, le problème s’aggrave; mais s’il diminue, c’est qu’on fait ce qu’il faut.
Ces données peuvent aider le gouvernement à améliorer la perception des recettes, à évaluer la politique fiscale, à promouvoir l’équité, à répartir plus efficacement les ressources d’application de la loi, à élaborer de meilleures stratégies de conformité et à évaluer plus exactement le travail de l’Agence du revenu du Canada. Cependant, malgré l’intérêt de mesurer le manque à gagner fiscal, le Canada n’avait pas d’approche cohérente pour le faire jusqu’à il y a quelques années. La situation a commencé à changer en 2016, lorsque l’agence a commencé à publier des rapports sur des éléments précis du manque à gagner fiscal, y compris les méthodes utilisées pour les estimer.
En 2022, l’agence a publié un premier rapport complet, intitulé Rapport sur l’écart fiscal fédéral global : Estimations et principales constatations concernant l’inobservation pour les années d’imposition 2014 à 2018, qui examinait toutes les principales sources fiscales fédérales.
Comme on peut le lire sur le site Web de l’Agence du revenu du Canada :
Le programme sur l’écart fiscal de l’Agence prévoit publier le deuxième rapport sur l’écart fiscal global en 2025 (cible : fin juin) avec les estimations mises à jour et les principales constatations jusqu’à l’année d’imposition 2022…
Fait intéressant, l’Agence du revenu du Canada souligne que « cette approche est conforme à la proposition du projet de loi S-258, déposé par le sénateur Percy Downe en mars 2023 ».
Honorables sénateurs, je crois que c’est une façon pour l’Agence du revenu du Canada de reconnaître que le travail du sénateur Downe a déjà changé les choses. Même si les mesures prises par l’Agence du revenu du Canada sont encourageantes, elles présentent trois lacunes importantes.
Tout d’abord, la loi n’oblige pas l’agence à continuer de faire le travail requis pour publier des rapports sur des éléments précis du manque à gagner fiscal. Compte tenu de l’importance de ces renseignements pour le Parlement, il faut que la loi exige que l’agence fournisse ces données au lieu de laisser cela à sa discrétion.
Il faut que la loi exige des rapports réguliers sur le manque à gagner fiscal afin que nous puissions suivre les progrès au fil du temps. Le projet de loi S-217 viendrait remédier à la situation en exigeant des rapports sur le manque à gagner fiscal tous les trois ans.
La deuxième lacune du processus en place, c’est que l’agence n’est pas obligée de communiquer les données sur le manque à gagner fiscal au directeur parlementaire du budget. S’il n’a pas accès à ces données, le directeur parlementaire du budget est limité dans sa capacité de vérifier ou d’évaluer de manière indépendante les estimations de l’agence, ce qui constitue une lacune importante en matière de reddition de comptes au public.
Le projet de loi S-217 propose une solution à ce problème qui, comme je l’ai mentionné, est jugée satisfaisante par le directeur parlementaire du budget.
Troisièmement, même si l’Agence du revenu du Canada publie certaines condamnations pour évasion fiscale, la liste actuelle n’est pas exhaustive et fournit peu d’information sur les affaires internationales. Ce manque de transparence nuit à la responsabilité publique dans la lutte contre l’évasion fiscale à l’étranger. Le projet de loi S-217 remédierait à cette situation en exigeant la divulgation complète de ces condamnations.
Le projet de loi représente essentiellement un point de départ de la lutte contre l’évasion fiscale. Lorsque des particuliers ou des entreprises font de l’évasion fiscale, ils évitent de payer leur juste part du coût des services publics, ce qui alourdit le fardeau de ceux qui paient leurs impôts et sape l’intégrité de l’ensemble du système.
L’évasion fiscale réduit également les recettes du gouvernement, ce qui peut entraîner des coupes dans les programmes publics ou une augmentation des impôts pour les citoyens respectueux de la loi. Ces conséquences érodent davantage la confiance dans le gouvernement et ses promesses de lutter contre l’évasion fiscale.
Même si le projet de loi S-217 ne permet pas d’éliminer l’évasion fiscale, il constituerait un pas important dans la bonne direction. Il comblerait des lacunes majeures en ce qui concerne l’information dont le Parlement a besoin pour exercer une surveillance efficace. Il augmenterait la transparence et la reddition de comptes. Il favoriserait une meilleure application de la loi et une meilleure élaboration des politiques. Enfin, il sensibiliserait davantage le public, ce qui encouragerait l’observation volontaire de la loi et renforcerait la confiance dans l’équité du système.
Honorables sénateurs, même si aucun régime fiscal n’est parfait, nous avons la responsabilité de rendre le nôtre plus solide et plus équitable. Le projet de loi S-217 nous aiderait à atteindre cet objectif. Je vous encourage à appuyer le projet de loi et à le renvoyer rapidement au comité pour un examen plus approfondi.
Merci.
L’honorable Kim Pate : La sénatrice Marshall accepterait-elle de répondre à une question?
La sénatrice Marshall : Oui.
La sénatrice Pate : Je tiens à vous remercier de tout le travail que vous accomplissez au sujet des questions financières. C’est fort apprécié.
Je voudrais vous poser une question, comme je ne siège plus au Comité des finances et que je n’ai plus l’occasion de poser des questions de ce genre. Quand le sénateur Downe a parlé du projet de loi à l’étude et prononcé son discours en deuxième lecture, il a évoqué les Panama Papers et les Pandora Papers et il a nommé quelques pays qui ont fait des démarches pour récupérer des sommes ou poursuivre des gens.
J’ai profité de l’été pour explorer cette question. Je me suis particulièrement demandé comment l’Islande — un très petit pays — avait géré cette affaire. J’en ai donc discuté avec les procureurs islandais. Vous vous souvenez peut-être que les fonctionnaires ont souvent dit au Comité des finances que ces affaires étaient extrêmement complexes, ce qui expliquait en partie pourquoi le Canada ne cherchait pas à récupérer l’argent en cause ni à poursuivre les personnes nommées dans les documents. Eh bien, en Islande, ils ne se sont pas contentés de poursuivre des gens. Je leur ai demandé à quel point il s’agissait d’un travail monumental et complexe. Ils m’ont répondu qu’un journaliste d’enquête et deux procureurs, avec la pleine coopération de toutes les autorités qu’ils avaient contactées, avaient obtenu les renseignements grâce aux Pandora Papers et aux Panama Papers.
Est-ce que cela vous surprend? Que devrions-nous faire, selon vous, à la lumière de cette information?
(1530)
La sénatrice Marshall : Merci beaucoup de votre question, sénatrice Pate.
Je dois dire que je ne suis pas surprise. Je pense que l’Agence du revenu du Canada éprouve des difficultés depuis plusieurs années. Je ne sais pas pourquoi. Je sais que vous êtes au courant du rapport publié par la vérificatrice générale il y a deux semaines. L’Agence du revenu du Canada semble éprouver des difficultés même dans l’exécution de ses fonctions les plus élémentaires. À mon avis, si vous n’êtes pas capable de réparer votre système téléphonique, vous avez vraiment un problème, et l’Agence du revenu du Canada est incapable de réparer son système téléphonique.
Je ne suis donc pas surprise du tout.
Je ne pense pas qu’une solution législative soit de mise. Bien que l’Agence du revenu du Canada ait affirmé lors des audiences du Comité sénatorial permanent des finances nationales qu’elle n’avait pas besoin de la mesure législative, je ne compterais pas sur elle pour divulguer volontairement cette information. Je pense que la meilleure solution consiste à en faire une obligation légale.
La sénatrice Pate : Merci, sénatrice Marshall. Comme je ne fais plus partie du Comité des finances nationales, seriez-vous disposé à poser certaines de ces questions et pourrions-nous travailler ensemble sur ce dossier?
La sénatrice Marshall : Oui, et j’ai hâte d’entendre ce que l’Agence du revenu du Canada a à dire, car, en plus de cette nouvelle exigence, vous remarquerez qu’elle devra également faire face aux compressions importantes et à la réaffectation des ressources qui sont prévues dans le budget.
Par conséquent, je poserai effectivement ces questions. Merci.
(Sur la motion de la sénatrice Moncion, au nom de la sénatrice Clement, le débat est ajourné.)
Projet de loi sur le vote à seize ans
Projet de loi modificatif—Deuxième lecture—Suite du débat
L’ordre du jour appelle :
Reprise du débat sur la motion de l’honorable sénatrice McPhedran, appuyée par l’honorable sénatrice Sorensen, tendant à la deuxième lecture du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum.
L’honorable Leo Housakos (leader de l’opposition) : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-222, Loi modifiant la Loi électorale du Canada et le Règlement adaptant la Loi électorale du Canada aux fins d’un référendum.
Je remercie la sénatrice McPhedran pour son engagement envers les jeunes et pour avoir présenté ce projet de loi. Tout comme elle, je crois profondément en l’importance de susciter l’intérêt des jeunes pour la démocratie et la participation civique ou politique. Cependant, je pense que traiter une question aussi importante ne devrait pas se faire au détriment de la légitimité démocratique.
C’est précisément pour cette raison, chers collègues, que je ne peux pas appuyer ce projet de loi.
Derrière cette proposition apparemment simple — ramener l’âge du droit de vote à 16 ans — se cachent deux problèmes fondamentaux. Le premier concerne la légitimité de la modification par la Chambre non élue des règles qui déterminent qui peut élire la Chambre élue, et le second concerne la maturité civique des jeunes de 16 ou 17 ans.
Chers collègues, rien dans la Constitution n’empêche le Sénat de présenter un projet de loi concernant la Loi électorale du Canada, mais la question ici n’est pas constitutionnelle; elle est politique et institutionnelle. Autrement dit, le Sénat peut le faire, mais il devrait s’en abstenir. Faire preuve de retenue dans ce domaine n’est pas une faiblesse, chers collègues, mais une tradition démocratique fondée sur le sens commun. Le Sénat ne représente pas directement la population, et il serait paradoxal que la Chambre non élue redéfinisse qui peut voter pour élire les députés.
Dès 2008, lors de l’étude du projet de loi C-29, qui visait à modifier la Loi électorale du Canada, le ministre de la Réforme démocratique, Peter Van Loan, a lancé un appel clair au respect du rôle de la Chambre élue :
C’est avec optimisme que j’espère que, lorsque le projet de loi aboutira au Sénat dominé par les libéraux, les sénateurs respecteront l’importance d’une décision prise par la Chambre des communes relativement à l’élection des députés et aux règles qui les régissent. J’espère que les sénateurs ne saisiront pas cette occasion pour faire de l’obstruction et pour retarder le projet de loi au profit de leurs intérêts partisans, mais qu’ils respecteront une décision de la Chambre des communes relative à l’élection des députés.
Puis, 10 ans plus tard, en 2018, lors de l’étude du projet de loi C-76, qui visait à réformer en profondeur la Loi électorale du Canada, le député néo-démocrate Daniel Blaikie a critiqué le choix du gouvernement d’attribuer au Sénat, plutôt qu’à la Chambre des communes, la responsabilité d’apporter certains amendements au projet de loi. Il a ensuite rappelé ceci à la Chambre :
Pourquoi devons-nous dépendre d’une Chambre non démocratique pour apporter des modifications à nos instruments de démocratie, ici, au Canada?
[Français]
Comme l’a dit notre collègue le sénateur Dalphond lors du débat sur une version antérieure de ce projet de loi :
[...] il serait très délicat que des personnes qui ne sont pas élues décident ce qui est bon pour les élus et décident qui devraient être les élus. [...]
C’est à l’autre endroit de lancer ce type de réforme importante.
[Traduction]
Depuis l’adoption de la version actuelle de la Loi électorale du Canada en 2000, 21 projets de loi émanant du Sénat visaient à la modifier. Un seul d’entre eux a reçu la sanction royale : le projet de loi S-4, en 2022, qui a été adopté dans le contexte de la pandémie. Son objectif n’était pas de réformer le système électoral, mais d’apporter une modification au paragraphe 175(9) de la Loi électorale du Canada afin d’autoriser l’utilisation générale des télécommunications pour demander ou délivrer des brefs, une mesure purement administrative et accessoire.
En revanche, le projet de loi S-222 est une mesure qui vise un pilier central du droit électoral. Ce faisant, il franchit une ligne que le Sénat a toujours respectée : celle de la retenue institutionnelle. Si nous commençons à redéfinir unilatéralement le droit de vote, nous risquons non seulement de miner notre légitimité, mais aussi de créer un dangereux précédent. Ce précédent risquerait de justifier, à l’avenir, de nouvelles interventions du Sénat dans des domaines qui relèvent directement de la compétence de la Chambre élue. Une fois cette ligne franchie, il serait très difficile de revenir en arrière.
Le Sénat s’attire déjà le scepticisme de la population. Nul besoin d’exacerber le doute en nous substituant à la Chambre des communes sur des questions fondamentales en lien avec le suffrage universel.
Il ne s’agit pas d’une question partisane. Il s’agit de respecter le mandat démocratique de l’autre endroit. La Chambre des communes représente les citoyens parce qu’elle est élue par eux. Si les députés, après consultation, décidaient d’abaisser l’âge de voter, cela relèverait de leur responsabilité et de leur droit légitime. Mais le Sénat, chambre nommée, ne peut imposer une telle réforme d’en haut. Cela reviendrait à usurper le pouvoir du peuple.
Il convient de rappeler que la question de l’âge de voter n’est ni nouvelle ni négligée par la Chambre des communes. Ce débat y a déjà eu lieu à plusieurs reprises. Depuis la 42e législature, au moins six projets de loi ont été présentés à la Chambre des communes en vue d’abaisser l’âge de voter à 16 ans. Au cours de la 44e législature, deux projets de loi presque identiques ont été présentés : le projet de loi C-210 du député Taylor Bachrach et le projet de loi C-227 du député Don Davies. Le projet de loi C-210 a été rejeté à l’étape de la deuxième lecture le 28 septembre 2022, lors d’un vote par appel nominal : 77 voix pour, 246 contre. Près des trois quarts des députés s’y sont opposés. Le projet de loi C-227 n’a même pas franchi l’étape de la deuxième lecture, chers collègues.
Autrement dit, la Chambre des communes s’est clairement et démocratiquement — et sans équivoque — prononcée contre la mesure.
C’est le nœud du problème. Il ne s’agit pas simplement d’un projet de loi électorale présenté par une Chambre non élue, mais d’une mesure législative que la Chambre élue a déjà débattue et rejetée catégoriquement. Rouvrir ce débat au Sénat reviendrait à contourner la volonté des Canadiens, qui a été exprimée par leurs représentants légitimes.
Ce n’est pas le rôle du Sénat de revenir sur une décision déjà prise démocratiquement à plusieurs reprises dans l’autre endroit. Comme nous l’a rappelé sir John A. Macdonald, notre rôle est d’être une Chambre de second examen objectif, et non une Chambre d’initiative populaire.
[Français]
J’en viens maintenant au second volet de mon intervention : la question de la maturité et de la responsabilité dans la vie citoyenne. C’est sur cet élément que je fonde mon raisonnement pour considérer que l’âge du vote devrait rester fixé à 18 ans.
La Commission Lortie, à qui l’on a confié en 1989 le mandat d’examiner en profondeur notre système électoral, s’était déjà penchée sur cette question fondamentale. Elle avait conclu que la fixation de l’âge électoral doit correspondre au moment où les individus atteignent la maturité citoyenne, c’est-à-dire lorsqu’ils sont capables de comprendre les enjeux collectifs, de juger avec discernement et d’assumer les conséquences de leurs choix.
Cette même approche a été confirmée par le juge Lefsrud dans l’affaire Fitzgerald c. Alberta, lorsqu’il a souligné que l’objectif du législateur, en fixant une limite d’âge pour le droit de vote, était d’assurer que les électeurs disposent de la maturité nécessaire pour exercer ce droit de manière réfléchie et informée.
(1540)
[Traduction]
Ainsi, chers collègues, selon le juge et la commission, la ligne de démarcation pour le droit de vote repose sur une certaine maturité : la compréhension des enjeux de la vie civique, la capacité de juger et l’aptitude à assumer les conséquences de ses choix démocratiques.
La deuxième question est donc la suivante : pourquoi 18 ans et non 16 ans? À 18 ans, l’âge de la majorité, les jeunes Canadiens commencent à prendre leurs propres décisions, à comprendre la portée de leurs choix et à participer activement à la vie économique et sociale du pays.
Le juge Lefsrud l’a illustré comme suit :
En général, les jeunes de 18 ans [...] assument la responsabilité de voter en même temps qu’ils assument une plus grande responsabilité quant à l’orientation de leur vie.
Chers collègues, je sais que déterminer l’âge de voter n’est pas une question simple. Les arguments avancés par la sénatrice McPhedran et ceux qui appuient la proposition d’abaisser cet âge à 16 ans sont sincères et ils méritent d’être pris en considération. Néanmoins, je pense que certains points de repère dans notre société nous aident à déterminer plus précisément à quel moment la maturité civique se manifeste pleinement, et ils nous ramènent clairement à 18 ans.
Sur le plan fiscal, par exemple, les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2025, seuls 3,1 % des jeunes de 16 ans ou 17 ans paient l’impôt fédéral sur le revenu, contre 96,9 % qui ne le paient pas. Cette proportion est en baisse constante depuis 2021, alors que 15,3 % de ces jeunes payaient de l’impôt. Autrement dit, moins d’un jeune sur trente participe actuellement au financement de l’État.
En revanche, parmi les jeunes de 18 ans, qui viennent d’atteindre l’âge de la majorité, la participation à la vie économique augmente fortement, puisque 43,3 % d’entre eux paient de l’impôt fédéral sur le revenu. Cette forte augmentation illustre la transition qui se produit à 18 ans, lorsqu’une proportion importante des jeunes Canadiens commence à contribuer de manière tangible au financement des services publics et à prendre des responsabilités liées à la citoyenneté.
Cependant, pour la grande majorité des moins de 18 ans, la participation à la vie économique et la contribution citoyenne demeurent largement théoriques.
Légalement, en vertu de la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, les jeunes âgés de 16 et 17 ans ne sont pas jugés comme des adultes. Ils ne peuvent pas exercer les fonctions de juré ni signer certains types de contrats sans le consentement de leurs parents.
Même au sein des Forces armées canadiennes, l’enrôlement à 16 ans nécessite un consentement explicite, et aucun déploiement actif n’est autorisé avant l’âge de 18 ans.
Aussi, l’âge minimum pour acheter de l’alcool ou du cannabis est de 18 ou 19 ans, selon la province, et la conduite automobile est régie par un système de permis de conduire par étapes progressives qui limite la conduite entièrement indépendante jusqu’à l’âge de 18 ans, voire 20 ans à certains endroits.
Honorables sénateurs, voter n’est pas un exercice pédagogique, c’est un geste responsable. Voter, c’est choisir le gouvernement qui fixera les taux d’imposition, adoptera un budget et définira les politiques de sécurité et de défense du pays.
Chers collègues, il n’y a aucun mépris dans ma position. Les jeunes Canadiens sont brillants, curieux et mobilisés. Leur engagement devrait continuer à s’exprimer par d’autres moyens : le bénévolat, les conseils de jeunes, les campagnes communautaires et, bien sûr, le militantisme politique.
Fixer l’âge du droit de vote à 18 ans n’est donc pas de l’exclusion, mais une question de cohérence. Cela reflète une démocratie solide fondée sur la cohérence et sur le lien indissociable entre les droits et les devoirs.
Évidemment, remettre en question l’âge du droit de vote n’est pas problématique en soi. Au contraire, dans toute démocratie, il est sain de remettre en question les pratiques démocratiques, à condition de s’en tenir aux limites établies, en particulier celles que nos deux Chambres parlementaires doivent respecter.
La commission Lortie a recommandé que le Parlement réévalue périodiquement cette question. Cette réévaluation est déjà en cours là où elle doit avoir lieu, c’est-à-dire à la Chambre des communes.
Des élus ont débattu de cette question à plusieurs reprises et ont choisi, avec toute la légitimité démocratique nécessaire, de maintenir le seuil actuel. Pour le moment, rien n’indique qu’il faille changer ce seuil, et l’initiative ne devrait certainement pas venir d’une Chambre non élue. J’en suis fondamentalement convaincu. Préserver la cohérence et la légitimité de nos institutions est notre responsabilité première.
Honorables collègues, je tiens également à dire que, comme nous le savons tous, le cynisme à l’égard de la politique, de la vie politique et du processus électoral commence à prendre une ampleur importante.
Alors, sénatrice McPhedran, pourquoi diable voudrions-nous que les jeunes, qui sont naturellement optimistes et ouverts d’esprit, se précipitent pour participer à un processus politique qui engendre invariablement un certain cynisme? Laissons ces jeunes continuer à être libres, à s’épanouir et à réfléchir sans stress, sans pression et sans le cynisme que le processus électoral engendre invariablement après un certain temps.
Par conséquent, pour toutes les raisons que je viens d’évoquer, chers collègues, je ne peux pas appuyer ce projet de loi. Merci.
L’honorable Marilou McPhedran : Merci beaucoup, sénateur Housakos, pour ce discours très intéressant. Je voudrais faire une remarque, puis poser une question.
Il est fascinant de vous entendre qualifier ce processus de réforme imposée d’en haut...
Son Honneur le Président intérimaire : Sénatrice McPhedran, je veux m’assurer de bien comprendre. Allez-vous poser une question?
La sénatrice McPhedran : Oui, merci.
[Français]
Son Honneur le Président intérimaire : Sénateur Housakos, acceptez-vous de répondre à une question?
Le sénateur Housakos : Absolument, avec plaisir.
[Traduction]
La sénatrice McPhedran : C’est très intéressant que vous qualifiiez cela de réforme imposée d’en haut. Je suppose que cela signifie que vous considérez le Sénat comme une instance supérieure à la Chambre des communes. Je suis loin d’avoir votre expertise en matière d’histoire et de procédure au Sénat. D’après ce que je comprends — et je voudrais vous demander si c’est également votre interprétation —, avant d’entrer en vigueur, les dispositions contenues dans un projet de loi doivent être adoptées par les deux Chambres. J’espère donc que vous pourrez m’aider à comprendre pourquoi vous qualifiez cela de réforme imposée d’en haut.
En outre, connaissez-vous une règle de procédure qui empêche un sénateur de présenter un projet de loi? Nous avons fait des recherches approfondies à ce sujet et nous n’avons rien trouvé, mais peut-être que, grâce à votre grande expérience, vous connaissez une règle de procédure qui empêche cela.
Le sénateur Housakos : Merci. Chers collègues, il ne fait aucun doute que nous sommes ici dans la Chambre haute. Ce n’est pas pour rien qu’on l’appelle ainsi. Elle jouit de certains droits et privilèges dont l’autre Chambre ne dispose pas, même si, en réalité, les deux Chambres ont été créées par la Constitution sur un pied d’égalité totale. Je pense que c’est l’article 18 de la Constitution qui confère au Sénat les mêmes droits, autorités et pouvoirs que ceux dont dispose la Chambre, sénatrice McPhedran.
Cela dit, nous reconnaissons également que, dans le système parlementaire britannique, nous ne fonctionnons pas uniquement selon les règles écrites, de sorte que vous vous méprenez dans votre perspective. Nous fonctionnons également, et même beaucoup, sur la base des précédents. Par exemple, en vertu de la Constitution, nous avons le droit de rejeter un budget. Nous avons le droit de présenter des projets de loi qui nous permettent de dépenser de l’argent. Rien dans le Règlement ne nous en empêche. Cependant, nous avons appris au fil du temps que nous sommes une institution démocratique et qu’entre 1875 et 2025 — je dirais même 1995 —, la perception des parlements a évolué.
Nous devons être très conscients et prudents quant aux droits inhérents, aux droits démocratiques que possède la Chambre élue et que nous cédons. Je n’ai jamais dit que ces droits ne figuraient pas dans la Constitution. Toutefois, comme je l’ai mentionné dans mon discours, nous les cédons en faisant preuve de bon sens et en adoptant une approche modérée, conscients de ce que nous pouvons faire et justifiant ce que nous ne pouvons pas faire.
Par exemple, nous avons fini par accepter le principe selon lequel il ne peut y avoir de taxation sans représentation. Par conséquent, il y a certaines choses que nous ne faisons pas ici. Ce n’est pas une règle écrite. De plus, je pense que c’est une question de bon sens quand il s’agit de modifier la Loi électorale et d’imposer à l’autre Chambre des règles qui déterminent la façon dont elle est gouvernée. Je pense que cela dépasse les limites et que la plupart des sénateurs le reconnaîtront.
Dans quelle mesure veillons-nous, dans le cadre des principes de notre système, à ce qu’il y ait une séparation claire entre les deux Chambres? À mon avis, il s’agit clairement d’une violation des droits fondamentaux de l’autre endroit par la Chambre haute.
Je pourrais parler longtemps des raisons pour lesquelles nous sommes perçus comme étant — et sommes en réalité — la Chambre haute. Il suffit de consulter la liste protocolaire du pays, où le Président du Sénat occupe le quatrième rang, tandis que le Président de la Chambre des communes occupe le cinquième rang. Le Président du Sénat ne représente pas uniquement la Couronne, mais aussi le gouvernement. Sa nomination se fait par décret, tandis que le Président de l’autre endroit est élu et représente la Chambre des représentants élus.
Je pourrais parler encore longtemps de ce qui, en réalité, fait du Sénat la Chambre haute et des raisons pour lesquelles un tel projet de loi risque d’être perçu comme étant déplacé de notre part dans un système parlementaire démocratique.
La sénatrice McPhedran : Merci beaucoup, sénateur Housakos. J’ai une autre question et une énigme que j’espère que vous pourrez m’aider à résoudre.
Au cours des 20 dernières années, ce qui comprend toutes vos années en tant que sénateur — je sais que vous n’êtes pas ici depuis 20 ans; vous êtes beaucoup trop jeune pour cela —, 15 projets de loi modifiant la Loi électorale du Canada ont été présentés au Sénat. Vous ne vous êtes jamais prononcé contre cette idée et vous n’avez jamais voté contre le fait qu’elle soit présentée au Sénat, alors qu’il s’agissait d’une modification de la Loi électorale du Canada; dans un cas, la proposition était faite par un sénateur conservateur.
(1550)
Pourriez-vous m’aider à comprendre en quoi ce projet de loi visant à étendre le droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans est à ce point différent des propositions précédentes que vous vous y opposez?
Le sénateur Housakos : Sénatrice McPhedran, vous faites référence à l’unique projet de loi sur Élections Canada que j’ai appuyé. Je ne me souviens pas des détails, mais je me souviens que c’était il y a de nombreuses années. Je suis au Sénat depuis plusieurs années.
En réponse à votre question, je dirais que tout évolue ici, y compris notre façon d’aborder certains dossiers. À l’époque, j’étais jeune, naïf et moins expérimenté qu’aujourd’hui. Cela montre qu’avec le temps et l’expérience, on devient plus sage et plus modéré dans sa façon d’aborder les choses.
L’honorable Paulette Senior : Le sénateur Housakos accepterait-il de répondre à une question?
Le sénateur Housakos : Oui.
La sénatrice Senior : Sénateur Housakos, je m’interroge sur les autres pays parmi nos pairs, dont le Royaume-Uni, qui étendent le droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans. Je suppose qu’ils ont mené un travail approfondi avant de prendre cette décision qui vise à promouvoir la démocratie dans leur pays.
Croyez-vous que le niveau de maturité et les capacités des jeunes du Canada sont différents de ceux des jeunes du Royaume-Uni et d’autres pays similaires?
Le sénateur Housakos : Non, je ne le crois pas. Je pense que les jeunes de toutes les régions du monde partagent des traits communs. Encore une fois, je ne vois pas en quoi c’est pertinent dans le cadre de mon argumentation.
Ce que je veux dire, c’est qu’il ne nous revient pas de débattre de toutes les choses dont vous avez parlé. Elles doivent être débattues à l’autre endroit. J’ai également souligné dans mon discours qu’au cours des dernières années l’autre endroit les a examinées de près dans le cadre de deux projets de loi distincts portant sur l’âge du droit de vote. Je suppose qu’elle a également examiné ce qui se passe au Royaume-Uni et ailleurs dans le monde.
Ce qui me préoccupe, ce n’est pas de savoir pourquoi un pays a choisi une limite d’âge différente de celle des autres. Là n’est pas le débat. Le débat porte simplement sur la question suivante : devrions-nous le faire? Plus important encore : devrions-nous avoir notre mot à dire en tant que sénateurs nommés par les premiers ministres? Je ne pense pas que ce soit une bonne façon de prendre une décision au sujet de la Loi électorale du Canada.
L’honorable Andrew Cardozo : Le sénateur accepterait-il de répondre à une autre question?
Le sénateur Housakos : Avec plaisir.
Le sénateur Cardozo : Je ne discute pas du bien-fondé de la question. Je comprends les avantages et les inconvénients de l’abaissement de l’âge légal. Soit dit en passant, lorsque je prends part à des activités du programme S’ENgage avec des jeunes de 15 et 16 ans, je les invite souvent à débattre de cette question. Je constate qu’il y a parmi eux des jeunes qui sont pour et d’autres qui sont contre.
Votre allégation selon laquelle le Sénat ne devrait pas intervenir dans ce débat est, selon moi, problématique, car cela reviendrait à dire, pour la première fois, qu’il y a certaines choses auxquelles le Sénat ne devrait pas toucher, mais dont la Chambre des communes devrait s’occuper.
Par ailleurs, si on pousse votre argument jusqu’au bout, si l’autre endroit adoptait un tel projet de loi, vous diriez que nous ne devrions pas nous en occuper et que nous ne devrions pas le mettre aux voix, car nous ne devrions pas intervenir sur une question relative à la démocratie et à l’abaissement de l’âge. Est-ce que je comprends bien votre approche?
Le sénateur Housakos : C’est le Sénat qui décide ce que nous pouvons ou ne pouvons pas faire. Nous prenons ces décisions à l’issue de débats et de discussions collectives. Par exemple, il y a de nombreuses années, le Sénat a décidé en se fondant sur un précédent que nous n’étions pas une Chambre de confiance, que nous ne modifierions pas les budgets et que nous ne les rejetterions pas. Nous étions d’avis que c’était une question de bon sens.
Si on examine les droits et les obligations constitutionnels du Sénat, on constate que ce dernier peut rejeter un budget s’il le souhaite. Si je comprends bien, vous dites que nous devrions exercer cette fonction. Nous avons fait un choix. Nous ne l’avons pas fait aujourd’hui. Le Sénat fait ce genre de choix depuis des décennies.
Tout ce que je dis, c’est que la Loi électorale ne relève pas de notre compétence, car nous n’avons rien à voir avec elle, tout comme lorsque nous tenons un vote de confiance sur le budget. Savez-vous ce qui se passe lorsqu’il y a un vote de confiance? Les travaux parlementaires prennent fin, et les politiciens se présentent devant les Canadiens pour se faire élire.
Savez-vous ce qui se passe lorsqu’on modifie la Loi électorale? Je vais vous le dire. On peut proposer et apporter toutes les modifications que l’on veut à cette loi, mais, le lendemain des élections, savez-vous ce que vous entendrez en entrant dans votre bureau? « Bonjour, monsieur le sénateur. »
Je suis conscient de nos droits et privilèges. Nous devons les protéger, les exercer avec sagesse et faire preuve de prudence lorsque nous sommes dans une position où nous pourrions dépasser les limites, car cela ne serait pas perçu positivement par la population canadienne. Surtout, cela ne serait pas perçu positivement par l’autre endroit.
À titre d’exemple, la Loi de 2014 instituant des réformes, a été adoptée en 2015 sans l’apport des sénateurs. L’autre endroit nous avait demandé de délibérer au Sénat et de voter en faveur de ces mesures législatives parce que, constitutionnellement, nous avons l’obligation et le droit de veiller à ce que les lois soient adoptées par les deux Chambres.
Tous les partis politiques avaient accepté ce projet de loi à l’unanimité — je ne sais pas combien d’entre vous étaient là à l’époque; très peu, je crois —, mais nous avions reçu la directive claire de ne pas participer aux caucus du côté de la Chambre des communes en ce qui concernait les travaux sur la Loi de 2014 instituant des réformes. Nous devions approuver ce projet de loi sans proposer d’amendement, car il touchait aux principes fondamentaux du processus électoral à la Chambre des communes. Le Sénat s’est toujours conformé à ce principe au cours des 25 à 35 dernières années.
Le sénateur Cardozo : Pour clarifier les choses, vous ne soutenez pas que nous devrions rester en dehors des questions électorales?
Le sénateur Housakos : Ce que je veux dire, c’est que nous ne devrions pas modifier la loi électorale, car elle a une incidence directe sur la Chambre des communes, et aucune sur le Sénat. Voilà ce que je veux dire.
La sénatrice McPhedran : Sénateur Housakos, à mes yeux, vous êtes éternellement jeune. La référence à votre maturité n’est peut-être pas la plus pertinente dans la présente discussion.
Je vais revenir en arrière, parce qu’une partie de ma question n’a pas été répondue.
J’aimerais que vous m’aidiez à comprendre pourquoi, bien que 15 projets de loi visant à modifier la Loi électorale du Canada aient été présentés au Sénat, votre argument n’a jamais été utilisé par les conservateurs, ou par tout autre sénateur, pour dire que ces modifications n’auraient pas dû être présentées ici. En quoi le projet de loi sur l’élargissement du droit de vote est-il si différent pour vous? Qu’est-ce qui le distingue à ce point des 15 autres projets de loi? Pendant votre mandat, vous ne vous êtes jamais opposé à aucun d’entre eux.
Le sénateur Housakos : Je répondrai par une question. Voulez-vous dire que nous avons été saisis de 15 projets de loi traitant spécifiquement de l’âge de voter au cours des 17 ans de mon mandat?
La sénatrice Martin : La Loi électorale.
Le sénateur Housakos : Exactement. Pour être clair, je précise que nous avons examiné beaucoup de projets de loi techniques qui n’avaient rien à voir avec quelque chose d’aussi important que la détermination de l’âge minimum des électeurs. Il s’agit d’une décision importante.
Il y a eu tellement de projets de loi techniques que je ne me souviens plus de la plupart d’entre eux. Il y en a toutefois un pour lequel je me souviens d’avoir voté. Encore une fois, j’attribue cela au fait que je ne pensais pas qu’il allait assez loin pour avoir une incidence sur le processus électoral.
Nous étudions ici de nombreux projets de loi qui sont de nature technique. Nous avons tous vu ces projets de loi. Je serais prêt à parier que, si je passais en revue les 15 projets de loi en question, je découvrirais que la grande majorité d’entre eux étaient de nature technique.
Encore une fois, s’il y a des cas — et je ne suis pas toujours parfait, même si je m’en approche autant que possible dans cette enceinte —, ma façon de voter n’est peut-être pas complètement exempte d’incohérences. Il y a ici un certain nombre de sénateurs qui, au fil des ans, ont voté en faveur de projets de loi, et, après coup, ces votes ne semblent pas toujours très judicieux. Avec le recul, on y voit toujours plus clair.
Dans le cas présent, je crois sincèrement que mon argumentaire repose sur le bon sens.
La sénatrice McPhedran : Encore une fois, j’ai besoin de votre aide pour répondre à une question qui me laisse perplexe. Vous êtes certainement au courant du référendum écossais et de la décision prise par le Royaume-Uni d’étendre le droit de vote aux jeunes de 16 et 17 ans lors des prochaines élections fédérales dans les quatre pays.
(1600)
Je me permets de vous poser une question en lien avec le très honorable Damian Green, un conservateur britannique, qui a dit que l’idée d’accorder le droit de vote aux jeunes de 16 ans avait été rejetée au motif qu’ils n’étaient pas suffisamment matures. Comme ils ne paient pas d’impôts, ils ne ressentiraient pas les conséquences de leur choix, ce qui correspond en substance à certains arguments que vous avez avancés aujourd’hui.
Toutefois, il a ajouté :
[...] nous étions convaincus de pouvoir transmettre nos arguments à une nouvelle génération [...]
— c’est-à-dire la raison pour laquelle le Parti conservateur a changé sa position —
[...] Nous pourrions leur inculquer non seulement la bonne habitude de voter lors des élections [...]
— et vous aimerez ceci —
[...] mais aussi l’habitude encore plus louable de voter pour les conservateurs.
C’est une citation du très honorable Damien Green.
Une autre voix conservatrice, Ruth Davidson, l’ancienne cheffe des conservateurs écossais — qui a également changé sa position —, a déclaré ceci :
Cependant, après avoir observé les jeunes de 16 et 17 ans et avoir débattu avec eux tout au long du référendum [...] ma position a évolué. Nous considérons que les jeunes de 16 ans sont suffisamment matures pour s’enrôler dans l’armée, avoir des relations sexuelles, se marier, quitter le domicile familial et travailler à temps plein. Les résultats du référendum indiquent clairement qu’ils sont aussi suffisamment matures pour voter.
Voici ma question. Vous êtes un sénateur conservateur estimé. Comment se fait-il que vous-même et vos collègues vous apprêtiez à vous prononcer contre ce projet de loi et que vous ne soyez même pas prêts à envisager ce qu’il propose, alors que vos collègues conservateurs du Royaume-Uni ont changé leur position d’une manière très éloquente et très logique?
Le sénateur Housakos : Je ne veux pas faire d’amalgame entre l’expérience des Canadiens et celle des Britanniques, du Royaume-Uni, de l’Irlande ou d’autres pays. Je ne connais pas très bien le processus qui a mené à leurs conclusions.
Je ne sais pas, par exemple, si la Chambre des lords a participé à la modification de la loi électorale là-bas, ce qui aurait une incidence sur la Chambre des communes. Je l’ignore. Si c’est le cas, c’est à elle de justifier sa position.
Tout ce que je sais — et je l’ai dit clairement dans mon discours — c’est qu’au Canada, un jeune qui reçoit un permis de conduire à 16 ans est en probation; il ne peut pas obtenir son « vrai » permis de conduire avant 18 ans. Par ailleurs, il faut avoir au moins 20 ans pour faire partie d’un jury. Les activités des jeunes qui font partie des cadets sont aussi encadrées par certains paramètres. Au Canada, les tribunaux ne jugent pas les jeunes de la même façon que les adultes.
Si vous voulez, nous pouvons examiner tous ces éléments et déterminer l’âge auquel nous considérons qu’une personne est suffisamment mature pour s’acquitter de ces diverses tâches. Bien entendu, c’est subjectif, et les opinions varient. Prenons le nombre de jeunes âgés de 15 ans ou de 16 ans qui paient des impôts, assument entièrement leurs responsabilités, sont jugés dans un tribunal pour adultes, sont considérés comme des adultes au regard de la loi ou s’enrôlent comme militaires. Selon moi, nous ne considérons pas ces jeunes comme étant suffisamment matures pour s’adonner à ces activités. Pourtant, nous devrions leur donner le droit de voter, un droit qui, selon moi, doit être réservé aux actionnaires de l’entreprise qui participent à l’assemblée annuelle des actionnaires?
Comme vous le savez, madame la sénatrice, ce n’est pas une question partisane pour moi. Le Parti conservateur du Royaume-Uni peut avoir l’opinion qu’il souhaite. Je sais que certains ont fait valoir, il y a de nombreuses années au Canada, que les conservateurs ne voulaient pas abaisser l’âge de voter parce que les jeunes ne votaient pas pour eux et que leur base électorale était constituée de personnes âgées de 55 ans et plus. Nous avons vu lors de la dernière campagne électorale que ce n’est pas tout à fait le cas. Mon opinion n’a pas changé simplement parce qu’il est aujourd’hui plus opportun pour le Parti conservateur que les jeunes de 17 ans votent. En effet, nous avons fait un tabac auprès des 18 à 25 ans lors des dernières élections. Pour moi, cet argument n’est pas pertinent, car j’essaie d’être indépendant et ouvert d’esprit dans mon examen du projet de loi.
L’honorable Scott Tannas : Nous parlons beaucoup de l’expérience du Royaume-Uni, et vous avez mentionné que vous ne la connaissiez pas très bien. Seriez-vous d’accord pour dire qu’il pourrait être utile à votre argumentaire de savoir que le Royaume-Uni est passé à 16 ans à la suite d’une promesse électorale du gouvernement? L’initiative viendra du gouvernement — ce n’est pas encore le cas, mais ses représentants sont en train de préparer un projet de loi —, et non d’un membre indépendant de la Chambre des lords. L’étape sera franchie après que la population se sera exprimée.
Les référendums sont également un moyen pour la population de s’exprimer. Nous ne parlons pas au nom de la population. Pensez-vous que cette information soutient votre argumentaire, monsieur le sénateur?
Le sénateur Housakos : Oui, en effet. Je vous remercie pour toutes ces informations, car je vais me pencher sur la question. Je suis certain qu’autour d’une tasse de café, la sénatrice McPhedran et moi-même examinerons en détail la manière dont les choses se passent là-bas. Cela me semble tout à fait logique. Comme je l’ai mentionné, ma première réaction aurait été la surprise si cette initiative avait été prise par la Chambre des lords, par exemple, ou même si la Chambre des communes l’avait prise à la légère. Il s’agit d’idées très importantes qui influent sur le processus démocratique.
La sénatrice McPhedran : Sénateur Housakos, il y a quelque temps, je vous ai envoyé un courriel avec une pièce jointe contenant une liste assez longue de travaux de recherche universitaires sur l’incidence de l’élargissement du droit de vote aux jeunes de 16 ans et de 17 ans et sur l’accueil favorable réservé à cette mesure par un certain nombre de dirigeants conservateurs, et pas seulement ceux dont nous avons parlé ici aujourd’hui. J’espère que vous avez lu cette pièce jointe. Dans ma question, je vais partir du principe que vous avez lu ce que je vous ai envoyé.
Vous savez que, selon ces travaux de recherche universitaire crédibles qui ont été publiés, notamment une étude longitudinale menée en Autriche depuis l’élargissement du droit de vote en 2007 jusqu’à aujourd’hui, la conclusion générale ou l’évaluation finale, c’est qu’il ne s’est rien passé de mauvais.
Ma question est la suivante : vous appuyez-vous sur d’autres études que vous avez trouvées ailleurs? Le cas échéant, pourriez-vous nous en parler?
Le sénateur Housakos : La recherche n’a rien à voir là-dedans. C’est une question d’expérience. Pour moi, ce n’est pas une question partisane. J’ai lu tous les rapports qui disent qu’il est aujourd’hui dans l’intérêt du Parti conservateur d’abaisser l’âge du droit de vote. Cependant, comme je l’ai déjà dit dans ma réponse, et je le répète, cela ne fait pas partie de mes considérations dans la prise de cette décision. Vraiment pas.
Je le crois sincèrement, d’après mon expérience en tant que personne impliquée dans sa collectivité. J’ai moi-même élevé deux enfants. Pour dissiper tout malentendu, je vous dirais que, s’il y a quelqu’un ici qui défend la politisation et l’engagement politique des jeunes, c’est bien moi. J’ai commencé à militer au sein du mouvement conservateur à l’âge de 15 ans, en tant que membre officiel du parti et militant participant aux congrès. Croyez-le ou non, Peter Harder et moi étions présents au même congrès à l’époque. Nous soutenions d’ailleurs le même candidat.
Je pense que l’engagement politique est important. C’est quelque chose qu’il faut commencer dès le plus jeune âge. Cependant, je pense aussi que la citoyenneté canadienne confère certains privilèges et droits dont on peut profiter, mais qu’elle implique également certaines obligations et responsabilités. Je ne pense tout simplement pas qu’une personne de 15, 16 ou 17 ans ait suffisamment d’obligations ou de responsabilités pour se voir attribuer le privilège et le droit de voter. C’est une opinion personnelle. Elle ne repose pas sur des données ou des preuves scientifiques.
L’honorable Denise Batters : Honorables sénateurs, je prends la parole aujourd’hui, à l’étape de la deuxième lecture du projet de loi S-222, qui a été présenté par la sénatrice McPhedran et qui vise à faire passer l’âge requis pour voter aux élections fédérales canadiennes de 18 ans à 16 ans.
La sénatrice McPhedran est une fervente défenseure de cette proposition de changement à la loi électorale. Depuis 2017, elle en a fait la promotion dans diverses versions antérieures du projet de loi à l’étude. Je salue sa passion et sa détermination à faire participer les jeunes au processus démocratique. Cependant, je ne pense pas que l’âge requis pour exercer le droit de vote, qui est un acte démocratique très important, doive être abaissé, ni que l’abaissement de l’âge électoral puisse avoir les effets espérés par la sénatrice McPhedran.
(1610)
Généralement, la loi reconnaît qu’une personne atteint la maturité à 18 ans. C’est pourquoi, par exemple, il existe une loi distincte, la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents, qui traite des accusations criminelles visant les jeunes âgés de 12 à 17 ans. C’est également la raison pour laquelle les adolescents de moins de 18 ans n’ont pas le droit d’acheter de l’alcool ou des cigarettes. La plupart des salons de tatouage refusent de tatouer les jeunes de moins de 18 ans sans le consentement parental et, dans certains cas, sans la présence physique d’un parent.
Dans de nombreux domaines de la vie, les législateurs canadiens ont déterminé que l’âge minimum de 18 ans était approprié pour prendre des décisions de manière indépendante. Dix-huit ans est un âge raisonnable, et plus naturel pour prendre des décisions indépendantes sur des questions importantes ou juridiques. Cet âge coïncide généralement avec la fin — ou presque — des études secondaires. Pour de nombreux jeunes, c’est l’âge auquel ils commencent à s’éloigner physiquement de leurs parents et de leur foyer pour poursuivre des études postsecondaires, suivre une formation ou occuper un emploi. Il s’agit d’une transition naturelle entre l’enfance, où l’on dépend de ses parents pour sa stabilité émotionnelle et financière, et une indépendance naissante où l’on peut prendre des décisions pour déterminer son propre avenir.
Y a-t-il des jeunes qui sont mentalement et émotionnellement capables de prendre ce genre de décisions pour eux-mêmes à 16 ans? Manifestement, oui. Et y a-t-il des jeunes qui restent immatures et prennent régulièrement de mauvaises décisions jusqu’à la mi-vingtaine ou la trentaine? C’est aussi vrai, jusqu’à la quarantaine dans certains cas. Cependant, pour garantir la sécurité et l’organisation de la société, il est nécessaire de fixer une limite d’âge minimum. Il est donc logique que 18 ans soit considéré comme une limite raisonnable.
Les jeunes de 16 ans ne sont pas autorisés à participer à de nombreuses activités réservées aux adultes en raison de leur âge. Dans de nombreuses provinces, y compris la mienne, la Saskatchewan, ils ne peuvent pas conduire sans condition. Ils ne peuvent pas acheter de cannabis ni, comme je l’ai déjà mentionné, d’alcool ou de cigarettes. Les jeunes de 16 ans ne peuvent pas signer de contrat légal. De plus, ils doivent obtenir le consentement de leurs parents pour se marier avant l’âge de 18 ans. Dans certaines provinces, dont le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et l’Ontario, les adolescents ne peuvent pas abandonner leurs études avant l’âge de 18 ans.
Dans certains cas, l’âge minimum de 18 ans peut être levé avec le consentement des parents. En effet, même si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’un adolescent de moins de 18 ans ait une certaine capacité à prendre des décisions, l’avis d’un parent ou d’un tuteur est toujours nécessaire pour s’assurer que la situation — et les risques potentiels qui y sont associés — a été examinée sous tous les angles.
C’est pourquoi, au Canada, il faut être âgé de 18 ans pour s’enrôler dans les forces militaires régulières, mais il est possible de présenter une demande dès l’âge de 17 ans, avec le consentement parental. La sénatrice McPhedran a fait valoir ici que les adolescents peuvent s’enrôler dans la Force de réserve à 16 ans, là encore avec le consentement parental. Cependant, comme l’a précisé la sénatrice Patterson lors du débat dans cette enceinte, les jeunes de 16 ans ne sont pas autorisés à participer à des combats.
La sénatrice McPhedran a également mentionné « 16 ans et moins » comme âge minimum pour se joindre aux cadets. Les jeunes peuvent devenir cadets dès l’âge de 12 ans, mais là encore, ils doivent obtenir le consentement de leurs parents s’ils ont moins de 18 ans. Cependant, le simple fait qu’un enfant puisse se joindre aux cadets à l’âge de 12 ans ne le rend certainement pas apte à déterminer la meilleure voie à suivre pour l’avenir du pays au moyen d’un vote.
Le fait est que nous devons fixer un âge minimum à partir duquel les Canadiens peuvent voter. Pour la grande majorité des décisions qui nécessitent un certain niveau de capacité, cet âge est fixé à 18 ans, et lorsqu’il est abaissé à 16 ans, c’est généralement sous réserve du consentement des parents.
Si la capacité est le critère déterminant pour fixer l’âge de voter, il est assez évident que 18 ans est préférable à 16 ans. La sénatrice McPhedran a longuement parlé de la différence entre les tâches neurologiques nécessitant une « cognition froide » — une prise de décision pouvant se faire en l’absence d’émotion — ou une « cognition chaude », c’est-à-dire les processus dans lesquels l’émotion exerce une influence négative sur la prise de décision. La sénatrice McPhedran soutient que le vote est une activité de « cognition froide » et que les jeunes de 16 ans sont donc capables de prendre des décisions à ce niveau.
Je ne suis pas d’accord pour dire que voter est une tâche immune à l’influence de l’émotion. Nous votons souvent dans cette enceinte, honorables sénateurs. Pouvez-vous honnêtement affirmer que votre vote n’a jamais été influencé par les vives émotions que suscitait en vous la question soumise? Nous ne sommes pas des robots, c’est évident.
Marcus Roberts, chercheur principal à l’institut Maxim en Nouvelle-Zélande, a décrit les recherches comme suit :
[…] d’autres études suggèrent qu’il n’est pas possible de diviser aussi clairement la prise de décision chez les adolescents de cette manière [entre cognition « chaude » et « froide »]. Notre cerveau se développe de manière inégale : notre « système socio-émotionnel » (« traitement rapide et automatique ») arrive à maturité vers l’âge de la puberté, mais notre « système de contrôle cognitif » (délibératif, contrôlé et réfléchi) n’atteint pas sa maturité avant le milieu de la vingtaine […] Ainsi, bien que les adolescents aient la capacité de prendre des décisions rationnelles et intelligentes, « il n’est pas judicieux de conclure qu’ils prennent toujours leurs décisions en utilisant les mêmes processus cognitifs que les adultes. »
En revanche, les adultes sont plus à même de résister aux influences sociales et émotionnelles et de prendre de meilleures décisions lorsque les enjeux sont élevés.
On pourrait dire que, lorsqu’il s’agit de voter, donc essentiellement d’établir l’orientation de la gouvernance du pays, les enjeux ne pourraient pas être plus élevés. Je pense que le meilleur équivalent cognitif de l’acte de voter serait l’acte de signer des contrats légaux. Fondamentalement, lorsqu’un électeur vote aux élections fédérales, il embauche quelqu’un pour représenter ses intérêts au Parlement. La cognition d’un jeune de 18 ans est supérieure à celle d’un jeune adolescent. C’est évidemment la raison pour laquelle l’âge légal pour signer des contrats au Canada est l’âge de la majorité — 18 ans dans certaines provinces, 19 ans dans d’autres — plutôt qu’un âge plus jeune, par exemple 16 ans.
Comme je l’ai déjà dit, Connor Bedard, ancien premier choix au repêchage de la Ligue nationale de hockey, et encore très jeune joueur professionnel de hockey qui fait sensation, n’avait que 17 ans lorsqu’il a signé son premier contrat de la Ligue nationale, il y a quelques années. Son père a donc dû signer son premier contrat pour lui.
Les adolescents sont désavantagés lorsqu’ils doivent prendre ce type de décision, car leur cognition tend à privilégier l’instant présent plutôt que la vision à long terme, sans nécessairement tenir compte des conséquences éventuelles ou des solutions de rechange. De plus, comme ces capacités décisionnelles continuent à se développer jusqu’à ce qu’une personne atteigne la mi-vingtaine, certains pourraient soutenir qu’il serait préférable d’augmenter l’âge minimum pour voter, plutôt que de le baisser à 16 ans.
C’est peut-être pour cette raison que la Constitution fixe à 30 ans l’âge minimum pour être nommé au Sénat, honorables sénateurs. L’âge minimum pour devenir député est 18 ans. Il est donc logique que les personnes qui élisent ces députés doivent également avoir 18 ans.
Une autre considération semble être que tout gain démocratique résultant de l’octroi du droit de voter à des jeunes de moins de 18 ans semble modeste. Lorsqu’un jeune de 16 ans ou de 17 ans obtient le droit de vote, il est en effet plus susceptible de voter tant qu’il vit encore chez ses parents et n’est pas encore indépendant. Bien que les preuves soient quelque peu limitées, des études montrent que cet enthousiasme tend à s’estomper à mesure que ces électeurs vieillissent.
Par exemple, une étude menée en Autriche a montré que les jeunes de 16 ans et de 17 ans qui pouvaient voter ont initialement voté à un taux de 65 %, alors que cinq ans plus tard seulement, ce taux était tombé à 60 %, soit bien en dessous du taux de participation officiel de 75 %.
Bien que je ne sois pas d’accord avec l’abaissement de l’âge du vote à 16 ans, je crois sincèrement qu’on devrait encourager les jeunes à participer à la vie politique. Je parle ici par expérience, car j’étais moi-même très intéressée par la politique durant mon enfance et mon adolescence. Dès mon plus jeune âge, je regardais l’émission « This Week in Parliament » le samedi soir pour me tenir au courant des questions politiques d’actualité et écouter les meilleures réparties de Brian Mulroney et de ses progressistes-conservateurs lors de la période des questions. Dès l’âge de 12 ans, je savais déjà que je voulais devenir sénatrice un jour, et oui, je sais que ce n’est pas normal. En grandissant, j’attendais avec impatience le jour où j’aurais 18 ans et où je pourrais voter pour la première fois. Je comprenais et j’acceptais alors, comme la plupart des enfants d’aujourd’hui qui seraient probablement d’accord avec moi, que voter n’est pas une tâche qu’un jeune de 14 ou de 16 ans soit suffisamment compétent pour faire ni qui intéresse suffisamment la plupart d’entre eux.
Dans mon cas, je n’ai adhéré au Parti progressiste-conservateur du Canada qu’à l’âge de 18 ans, lors de ma première semaine à l’Université de Regina, au début des « élections référendaires sur le libre-échange » de 1988. Lors de cette élection, j’ai fait du bénévolat pour les candidats locaux et j’ai même aidé le progressiste-conservateur Larry Schneider à battre Ralph Goodale dans cette campagne.
J’ai ensuite été élue à différents postes pour les jeunes au sein de la Fédération des jeunes progressistes-conservateurs de la Saskatchewan et du Parti progressiste-conservateur fédéral. J’ai fait partie de la délégation jeunesse aux congrès nationaux du Parti progressiste-conservateur en 1989 et 1991.
À la mi-novembre 1989, à Saskatoon, il y a 36 ans la semaine prochaine, j’ai rencontré mon futur mari, Dave Batters, alors que je traversais la rue lors du congrès du Parti progressiste-conservateur de la Saskatchewan. Nous avions alors 19 et 20 ans. Dave était lui aussi un jeune mordu de la politique et il est devenu plus tard député. Comme on dit, on connaît la suite.
Bien que le niveau de cognition d’un jeune de 16 ans ne lui permette pas de voter aux élections, il existe de nombreuses autres façons pour les jeunes de cet âge de s’impliquer politiquement. Ils peuvent faire du bénévolat et assister à des événements politiques, ou encore se porter volontaires pour aider un candidat ou une campagne. Ils peuvent organiser des pétitions ou des campagnes de lettres ou de courriels pour des causes qui leur tiennent particulièrement à cœur. Les jeunes ont de nombreuses occasions de se livrer à des activités politiques, notamment dans le cadre de la gouvernance étudiante, des conseils, des parlements fictifs, des clubs de débats et des concours d’éloquence.
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Comme l’a mentionné la sénatrice Senior dans son discours, de nombreuses écoles organisent pour les élèves du primaire et du secondaire des simulations d’élections, comme Vote étudiant, qui coïncident avec les élections fédérales.
Ces exercices permettent aux élèves de découvrir les positions politiques, les candidats et les chefs des principaux partis fédéraux, et de réfléchir aux questions qui leur tiennent à cœur. Toutefois, le plus important, c’est qu’ils permettent aux jeunes d’exercer leur engagement politique sans avoir à subir les conséquences réelles de leurs choix politiques. C’est la grande différence entre les électeurs de 16 ans et ceux de 18 ans.
Un adolescent de 16 ans vit généralement chez ses parents, n’est pas responsable des dépenses ou des factures familiales et ne gagne probablement pas assez d’argent pour payer des impôts qu’il ne récupérera pas. Il n’a pas grand-chose à perdre s’il fait le mauvais choix lors d’une élection générale, car il n’a pas beaucoup d’intérêts personnels en jeu.
En revanche, un jeune de 18 ans est plus susceptible de prendre des décisions concrètes concernant son logement, son emploi et ses études supérieures, et il doit souvent jongler entre ces priorités concurrentes avec un revenu très limité. Le choix qu’il fait dans l’isoloir a une incidence très réelle sur sa vie et son avenir.
Honorables sénateurs, même si nous devrions encourager les jeunes à s’engager en politique et à poursuivre cet engagement, il est également important que leur niveau d’engagement politique reflète leur âge. À mon avis, 16 ans, c’est trop tôt pour assumer les lourdes responsabilités — et les conséquences — qui viennent avec le droit de vote. Autrement dit, voter est un geste qui implique un certain degré de compétence, d’aptitude et de maturité.
C’est pour ces raisons que je vous encourage à voter contre le projet de loi S-222 et contre l’abaissement de l’âge du vote à 16 ans.
Merci.
L’honorable Marilou McPhedran : Sénatrice Batters, accepteriez-vous de répondre à une question?
La sénatrice Batters : Oui.
La sénatrice McPhedran : Sénatrice Batters, est-ce que vous vous êtes fondée sur les travaux de la commission Lortie pour préparer votre discours? Je sais que vous ne les avez pas cités, mais j’aimerais savoir si vous vous êtes penchée sur ces travaux.
La sénatrice Batters : Non.
La sénatrice McPhedran : Je veux aussi poser une question au sujet de la recherche que vous avez citée. Vous avez dit, je crois, que c’était une étude autrichienne qui remettait en question le large consensus selon lequel les jeunes de 16 ou 17 ans sont bien outillés et qualifiés pour voter. Je me demandais si vous pourriez fournir les références de cette étude.
J’ai le privilège d’être entourée d’un groupe extraordinaire de jeunes qui sont des chercheurs — ils m’envoyaient des textos pendant que vous parliez —, et ils ne trouvent pas votre étude. Si vous pouviez en fournir les références, nous vous en serions reconnaissants.
La sénatrice Batters : Oui. J’ai fait retirer les références du discours que je prononce ici. Je ne les ai donc pas avec moi, mais nous vous les ferons parvenir sans faute avant la fin de la journée.
(Sur la motion du sénateur Black, le débat est ajourné.)
Examen de la réglementation
Adoption du premier rapport du comité mixte
Le Sénat passe à l’étude du premier rapport du Comité mixte permanent d’examen de la réglementation, intitulé Travaux du comité et autres points, présenté au Sénat le 5 novembre 2025.
L’honorable Yuen Pau Woo propose que le rapport soit adopté.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée, et le rapport est adopté.)
Pêches et océans
L’étude sur les populations de phoques—Autorisation au comité de demander au gouvernement une réponse au huitième rapport du comité déposé pendant la première session de la quarante-quatrième législature
L’honorable Yonah Martin (leader adjointe de l’opposition), conformément au préavis donné le 4 novembre 2025, propose :
Que, conformément à l’article 12-23(1) du Règlement, le Sénat demande une réponse complète et détaillée du gouvernement au huitième rapport du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, intitulé Assurer l’avenir de la chasse au phoque : passons à l’action, qui a été déposé auprès de la greffière du Sénat le 23 mai 2024, et adopté par le Sénat le 24 septembre 2024, durant la première session de la quarante-quatrième législature, le ministre des Pêches étant désignée ministre chargée de répondre à ce rapport, en consultation avec le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Revenu national.
Son Honneur le Président intérimaire : Vous plaît-il, honorables sénateurs, d’adopter la motion?
Des voix : D’accord.
(La motion est adoptée.)
(À 16 h 27, le Sénat s’ajourne jusqu’au mardi 18 novembre 2025, à 14 heures.)